Publié le 19 mai 2024

Traverser l’atlantique presque uniquement grâce au vent. C’est la promesse du nouveau cargo à voile de l’armateur breton Grain de Sail. L’entreprise est l’une des pionnières de la filière française, appelée à se développer rapidement face aux enjeux de décarbonation du secteur.

Après avoir jeté l’ancre au pied des gratte-ciels New-Yorkais, le nouveau cargo à voile de la jeune société morlaisienne Grain de Sail est de retour à Saint-Malo, son port d’attache. Une première traversée transatlantique couronnée de succès pour ce navire qui mesure plus du double de son aîné lancé début 2021, et peut embarquer jusqu’à 350 tonnes de marchandises. A bord, la compagnie bretonne transporte pour l’heure du vin, du chocolat, de la maroquinerie et des produits de luxe.

“On n’est pas dans le gigantisme”, appuie Jacques Barreau directeur général de l’armateur, “mais au moins, on est compatibles avec ce que la planète est capable d’endurer”. En 2024, Grain de Sail espère effectuer cinq rotations entre Saint-Malo et New York en comptant ses deux cargos. L’entreprise, qui souhaite ajouter trois autres navires à sa flotte d’ici cinq ans pour proposer des départs tous les quinze jours, illustre le retour en grâce du fret à voile. Sous l’impulsion notamment des réglementations européennes et internationales sur l’impact carbone des navires, la propulsion vélique bénéficie en effet d’un regain d’intérêt croissant.

Un levier parmi d’autres

Et pour cause : “l’utilisation du vent va permettre d’avancer en utilisant moins de carburant et donc d’émettre moins d’émissions de gaz à effet de serre”, explique Constance Dijkstra, spécialiste du secteur maritime pour l’ONG Transport & Environment. Le fret à voile s’impose ainsi comme l’une des solutions à la décarbonation d’un secteur fortement critiqué pour son empreinte environnementale. “Le transport maritime représente environ 3% des émissions globales, à peu près comme le secteur aérien”, rappelle à Novethic Nathalie Melcion Fabre, coordinatrice du cluster Cargo au sein de l’école Centrale Nantes.

Les bateaux neufs équipés d’un système de propulsion par le vent permettent de réduire de 30% à 80% la consommation de carburant et les émissions associées selon l’association Wind Ship, qui regroupe les acteurs français de la filière. Des gains “variables en fonction des routes empruntées, des vents ou encore du type de technologie utilisé”, précise Nathalie Malcion Fabre. La fourchette baisse par exemple lorsque la propulsion vélique est appliquée sur des navires existants. Elle s’étalerait alors entre 5% et 30% de carburant économisé et d’émissions associées.

La propulsion vélique reste néanmoins un levier parmi d’autres face au chantier de la décarbonation du transport maritime de marchandises“Le plus gros défi, c’est de basculer vers des carburants alternatifs, plus propres mais plus chers, à bord des navires. C’est là où la voile a son importance”, insiste Constance Dijkstra. Elle permet en effet de réduire la quantité d’énergie nécessaire à bord, et donc son coût global.

40 000 navires à voile en 2050

Séduits par ces bénéfices, de plus en plus d’acteurs se positionnent sur le transport à voile, accélérant le développement de la filière. Si seulement 21 bateaux sont actuellement équipés de ces technologies dans le monde, ils pourraient être entre 3 000 et 5 600 d’ici 2030 note Wind Ship. En 2050, leur nombre pourrait même frôler les 40 000 navires d’après les estimations du Clean Maritime Plan établi au Royaume-Uni. Face à ces perspectives de croissance, les entreprises françaises tentent de tirer leur épingle du jeu.

En témoigne l’ambition de la compagnie maritime Towt. L’armateur tricolore qui doit inaugurer cet été deux voiliers-cargos, a annoncé en avoir commandé six nouveaux pour constituer “la plus grande flotte de voiliers-cargos au monde d’ici 2027.” L’entreprise vise même 150 navires à l’horizon 2050. Afin de soutenir la filière, la France a par ailleurs signé fin mars un pacte vélique avec l’ensemble de ses acteurs. L’objectif : “positionner [le pays] en leader mondial sur ces technologies” selon les mots de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie. L’Hexagone espère ainsi atteindre 30% des parts du marché mondial sur les prochaines années.

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