Publié le 08 juillet 2023
ENVIRONNEMENT
Le transport maritime échoue à prendre des engagements alignés sur l’Accord de Paris
Touché-coulé ! À quelques mois de la COP28 sur le climat, les pays membres de l'Organisation maritime internationale (OMI) ont échoué vendredi 7 juillet à s'entendre sur un accord suffisamment ambitieux pour respecter le scénario 1,5°C. Une nouvelle occasion manquée alors que la fenêtre de tir pour agir avant 2030 se referme.

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"L’OMI (Organisation maritime internationale) avait l'occasion de définir une trajectoire claire et sans ambiguïté vers l'objectif de 1,5°C, mais tout ce qu'elle a proposé est un compromis insipide, fustige Faïg Abbasov, de l’ONG Transport&Environnement. Les pourparlers sur le climat de cette semaine rappellent le réaménagement des transats sur un navire en train de couler". C’est l’une des nombreuses réactions de déception, voire de colère, à l’accord qui a été trouvé vendredi 7 juillet par les 175 pays membres de l’OMI, réunis à Londres.
Ceux-ci étaient chargés de rehausser leurs engagements climatiques. Pris en 2018, ils visaient une réduction des émissions de 50% en 2050. Les nouveaux objectifs visent désormais une réduction d’émissions d’au moins 20%, voire 30% d’ici à 2030, et d'au moins 70%, voire 80% d’ici à 2040, mais il s’agit de fourchettes, de "points de contrôle indicatifs". Concernant la neutralité carbone, elle devra être atteinte "autour de 2050", en fonction "des circonstances nationales". Les pays se sont aussi engagés à utiliser au moins 5% de carburants alternatifs d’ici 2030.
La taxe carbone a survécu
Alors certes, c’est bien mieux qu’avant mais c’est encore trop peu pour être aligné sur les objectifs de l’Accord de Paris et la cible de 1,5°C. 32 pays menés par les États insulaires du Pacifique, les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore le Canada ont poussé jusqu'au dernier moment pour plus d’ambition (-37% en 2030 et -96% en 2040), en s’appuyant sur les recommandations du GIEC, le groupe d'experts sur le climat. En vain. L’Union européenne quant à elle défendait une baisse de 29% en 2030 et de 83% en 2040. Mais les principaux exportateurs comme la Chine, le Brésil et l'Argentine s'y sont opposés pour des raisons économiques.
La taxe carbone sur le transport maritime, évoquée lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, défendue par 70 pays, a survécu aux assauts de ces mêmes pays. Elle sera évaluée parmi une palette de solutions lors de la prochaine réunion de l’OMI. Le processus pour son adoption est prévu pour durer jusqu’en 2025, avant une entrée en vigueur en 2027. Une date que beaucoup jugent trop lointaine par rapport à l'urgence climatique.
Or, le transport maritime représente aujourd’hui 3% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, avec près de 90% des marchandises transportées par la mer dont 40% sont des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole). Son empreinte carbone pourrait passer à 17% d'ici 2050 si rien n'est fait. L’un des principaux impacts provient du fioul lourd, un carburant extrêmement polluant qui permet de propulser la quasi-totalité des 100 000 navires actifs sur nos eaux.
"Échec historique"
"En raison de cet échec historique, nous avons besoin que des pays et des blocs ambitieux tracent leur propre voie et fixent des taxes sur le carbone aux niveaux national et régional d'au moins 100 dollars par tonne d'émissions de gaz à effet de serre", réagit Daniele Rao de Carbon Market Watch. "Des politiques nationales ambitieuses et des voies de navigation vertes peuvent avoir un impact mondial. Il est temps de penser globalement, d'agir localement" estime aussi Faïg Abbasov.
L’Union européenne a justement adopté en mars dernier un règlement ambitieux. L'intensité des gaz à effet de serre des carburants utilisés par le secteur devra diminuer progressivement de 2% par an à compter de 2025, pour arriver à 80% d'ici à 2050, en encourageant l'utilisation de carburants et d'énergie plus propres. L’accord s’appliquera aux navires transitant au sein de l’Union européenne qui pèsent plus de 5 000 tonnes, soit environ 90 % des émissions de CO2 dues au transport maritime.
Selon une étude de l'University College London, chaque année de retard coûtera 100 milliards de dollars de coûts supplémentaires à l'industrie du transport maritime pour se décarboner.