Publié le 5 mars 2024

Les élections présidentielles américaines s’annoncent comme le combat de deux hommes qui s’opposent moins qu’il n’y parait sur le changement climatique. Si les débuts de la présidence Biden ont été marqués par le ralliement à l’Accord de Paris et l’Inflation Reduction Act (IRA), elle se termine avec l’intensification de la production d’énergies fossiles.

Des dizaines de millions d’Américains vont voter pour le Super Tuesday (Super Mardi) ce 5 mars. Ils vont désigner dans une quinzaine d’Etats leur candidat pour les Primaires, républicaine et démocrate. Les vainqueurs devraient être, sauf énorme surprise, les deux principaux candidats à l’élection présidentielle. A ce stade le pari d’un nouveau match Joe Biden, le président sortant, contre Donald Trump, l’ancien président, est hautement probable. Or s’il y a quatre ans, leur politique était frontalement opposée sur le changement climatique, le fossé semble moins grand aujourd’hui quand on regarde les actes et pas seulement les déclarations.

Si Joe Biden a rappelé à l’automne que “l’effet du changement climatique est dévastateur et qu’il constitue une menace existentielle“, sa politique sur les énergies fossiles reste très contestée par ceux qui organisent de nombreuses manifestations pour le rappeler à ses devoirs climatiques. Il y a parmi eux de nombreux électeurs démocrates. Ils ont suffisamment pesé pour que Joe Biden annonce au début de l’année 2024 une “pause” sur les nouvelles infrastructures gazières au nom de la menace climatique. Mais en 2020, il allait bien plus loin. Il avait ainsi promis de mettre fin à la production pétrolière à moyen terme s’il était élu et il songeait même à interdire la fracturation hydraulique. Quatre ans plus tard, les Etats-Unis sont toujours le premier producteur de pétrole au monde et le pays a engagé de nouveaux projets d’exploration dont celui de Willow en Alaska. De plus, il produit 35% du gaz de schiste mondial et pourrait à terme devenir le premier producteur mondial de gaz, devant la Russie.

3 raisons de ne pas tout démanteler

Le verdissement de l’économie américaine selon Joe Biden repose quasi exclusivement sur l’Inflation Reduction Act (IRA), ce gigantesque programme d’investissement dans les infrastructures et diverses mesures “pro climat”, adopté en 2022. Il doit coûter au minimum 369 milliards de dollars par an pendant dix ans et aurait d’ores et déjà permis, selon l’administration Biden, de créer 170 000 emplois et d’investir 110 milliards de dollars dans des technologies propres dont 70 sur les voitures électriques. L’arrivée de Donald Trump, qui continue à relativiser le risque climatique considérant qu’il “ne faut pas s’en inquiéter”, peut-elle remettre en cause le programme IRA ?

Pour Bastien Drut, responsable des études et de la stratégie de CPR Asset Management, qui s’est penché sur la question, cela pourrait être plus compliqué qu’il n’y parait. “Même si Donald Trump critique ouvertement les éoliennes et les voitures électriques, il y a trois raisons pour lesquelles les Etats républicains pourraient ne pas le suivre dans un éventuel démantèlement. Un, ils en tirent des bénéfices. 67% des emplois créés la première année l’ont été dans des districts républicains. Deux, pour annuler l’IRA, il faudrait que le futur président ait la majorité dans les deux chambres. Trois, il ne faut pas oublier que tous les Républicains ne sont pas anti climat”, explique-t-il. Plus de 80 députés républicains ont d’ailleurs créé un groupe de travail dédié (le Conservative Climate Causus) au sein de la chambre des représentants où il est obligatoire de reconnaitre la responsabilité humaine sur le changement climatique pour y entrer.

Retraite climatique

La retraite climatique va-t-elle sonner malgré tout aux Etats-Unis en cas de nouvel affrontement Joe Biden/Donald Trump post Super Tuesday ? La crainte de voir reculer les engagements climatiques du second émetteur de gaz à effet de serre mondial après la Chine, est d’autant plus forte qu’il n’y aucun débat sur une éventuelle politique de sobriété énergétique du mode de vie et de production américaines. Une crainte renforcée par le fait que les géants financiers américains se retirent déjà d’initiatives comme la coalition Climate Action 100 +, sous l’intense pression des élus républicains qui veulent les empêcher d’adopter des politiques climat réduisant les investissements dans les énergies fossiles.

L’idée de perdre encore quatre ans pour attendre un vrai sursaut climatique venant des Etats-Unis se précise d’autant plus que les deux principaux candidats ont respectivement 77 ans pour Trump et 81 ans pour Biden. Un âge où 2050, époque prévue pour atteindre la neutralité carbone, semble inatteignable.

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