Publié le 12 avril 2025

Les Etats membres de l’Organisation maritime internationale (OMI), une agence de l’ONU, se sont prononcés vendredi à Londres en faveur d’un système mondial de tarification du carbone, jugé toutefois pas assez ambitieux par les pays insulaires du Pacifique.

Les Etats membres de l’Organisation maritime internationale (OMI), réunis toute la semaine à Londres, se sont prononcés vendredi 14 avril en faveur d’un système mondial de tarification du carbone sur les émissions du secteur maritime, une première. Le transport maritime était l’un des seuls secteurs avec l’aviation à ne pas être réglementé par l’Accord de Paris.

À partir de 2028, tous les navires devront soit utiliser un mélange de carburants à moindre intensité de carbone, soit payer pour l’excédent d’émissions. Les propriétaires de navires qui ne parviendront pas à réduire l’intensité de leurs émissions de 30% d’ici 2035 – et de 65% d’ici 2040 – par rapport à 2008, devront contribuer à un “fonds zéro émission nette” au sein de l’OMI, en achetant des “unités correctives” au prix de 380 dollars la tonne d’équivalent dioxyde de carbone. La mesure, qui devra être formellement adoptée en octobre par son assemblée, a été approuvée par un vote de la majorité des États présents, faute de consensus, a indiqué une porte-parole de l’OMI à l’AFP. L’absence de consensus est particulièrement rare dans cette organisation et symbolise les divisions profondes des délégations.

Les Etats du Pacifique s’abstiennent

Dans le détail, 63 pays ont voté en faveur de cet accord, dont l’Union européenne, le Brésil, la Chine, l’Inde, le Japon, etc. Et 16 se sont prononcés contre, notamment des grands producteurs d’hydrocarbures, comme l’Arabie Saoudite, la Russie ou les Emirats Arabes Unis. 25 pays, dont les Etats insulaires du Pacifique, qui s’étaient auparavant exprimés sur leur volonté d’obtenir un prélèvement carbone universel du transport maritime, se sont abstenus, jugeant les mesures pas assez ambitieuses. Ils réclamaient une tarification de toutes les émissions du transport maritime dès 2028, et pas seulement celles excédant la trajectoire.

“Nous ne pouvons pas soutenir un résultat qui n’est pas à la hauteur de la stratégie” affichée par l’OMI, regrette Manasseh Maelanga, ministre du Développement des infrastructures des Îles Salomon. “L’ambition n’est pas celle qu’on espérait en termes de trajectoire, mais elle est supérieure à ce qui existe déjà dans le cadre européen”, affirme de son côté auprès de l’AFP une source française à l’OMI. D’autant que le secteur maritime est en avance par rapport à d’autres secteurs, et même “à des années lumières de ce qui est fait dans le transport aérien”, fait-elle valoir. L’accord permet de “préserver une certaine ambition” et symbolise une “victoire du multilatéralisme”, poursuit la même source, dans un contexte où les Etats-Unis, qui ont complètement changé de position avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, avaient décidé de ne pas venir à la réunion du comité.

Les États-Unis n’ont pas pris part au vote à l’OMI. Plus tôt dans la semaine, ils se sont retirés des pourparlers et ont menacé de représailles en cas de taxe sur les émissions du transport maritime. “Washington envisagera des ‘mesures réciproques’ pour compenser les frais facturés aux navires américains”, selon une note diplomatique envoyée par l’administration Trump aux ambassades basées à Londres.

Insuffisant

L’argent collecté par ce système sera réinvesti dans les technologies ou carburants zéro ou quasi-zéro émission et servira aussi à soutenir financièrement les pays en développement dans le cadre de la transition énergétique du transport maritime afin de compenser par exemple l’augmentation du prix des denrées alimentaires due à la hausse des coûts de transport. Les sommes sont “estimées grossièrement entre 10 à 15 milliards d’euros par an dans les années 2030”, selon une source proche du dossier.

L’avancée est positive, mais la décision ne va pas assez loin”, a commenté le WWF dans un communiqué. “Les objectifs et mesures de réduction des émissions à court et moyen terme convenus ne permettent pas de garantir que les objectifs seront atteints”, a déploré l’ONG. Les émissions dues au transport maritime représentent environ 3% des émissions mondiales, avec près de 90% des marchandises transportées par la mer dont 40% sont des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole). Son empreinte carbone pourrait passer à 17% d’ici 2050 si rien n’est fait. L’un des principaux impacts provient du fioul lourd, un carburant extrêmement polluant qui permet de propulser la quasi-totalité des 100 000 navires actifs sur nos eaux.

En 2023, l’OMI avait adopté de nouveaux objectifs visant une réduction des émissions d’au moins 20%, voire 30% d’ici à 2030, et d’au moins 70%, voire 80% d’ici à 2040, mais il s’agissait de fourchettes, de “points de contrôle indicatifs”. Concernant la neutralité carbone, elle devra être atteinte “autour de 2050“, en fonction “des circonstances nationales“. Les pays se sont aussi engagés à utiliser au moins 5% de carburants alternatifs d’ici 2030. Les Etats avaient aussi acté la mise en place d’une taxe sur les émissions du secteur d’ici 2025, pour une entrée en vigueur en 2028.

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