Place du Capitole, dimanche 11 août, la température affiche 35°C à 18 heures. Il s’agit du deuxième épisode de canicule de l’année, après celui de la fin du mois de juillet. Et ce n’est sans doute pas le dernier de l’été. Le fait est là : les vagues de chaleur se sont accentuées ces dernières années à Toulouse. Mais c’est bien l’épisode caniculaire de 2022 qui a été le véritable électrochoc pour la mairie de la ville rose. En l’espace de trois mois, entre juin et août, la barre des 35°C a été dépassée pas moins de 24 jours, un record cet été là en France.
Alors pour la deuxième année consécutive, Toulouse dégaine son plan “Toulouse + fraîche” pour faire face aux vagues de chaleur et s’adapter à plus long terme au changement climatique. Car la ville, en raison de sa situation géographie et de son climat, souffre aujourd’hui d’une “surchauffe urbaine”, comme l’indique Julia Hidalgo, directrice de recherche en climatologie et météorologie urbaines à l’Agence d’urbanisme et d’aménagement de Toulouse. Et cela risque de ne pas s’améliorer. Selon les prévisions, Toulouse pourrait bien avoir d’ici à 2050 un climat proche de celui de la ville espagnole de Valence. La température moyenne pourrait augmenter de 2,7°C d’ici 2050 et de 4°C d’ici à la fin du siècle.
“Il n’y a pas de temps à perdre”
Or des solutions existent pour faire baisser la température. “Elles sont même en train d’être testées”, répond à Novethic Clément Riquet, adjoint au maire et référent du plan “Toulouse + fraîche”. Pour ce délégué aux espaces verts, “il n’y a pas de temps à perdre”. “Là, où contrairement à d’autres collectivités, nous avons un peu d’avance, c’est que notre projet est pensé scientifiquement avec l’aide d’un urbaniste climatologue”, souligne-t-il. D’ailleurs, Toulouse est devenue cette année la première ville signataire d’une “charte d’engagement pour le rafraichissement urbain” avec l’Ademe. L’objectif est double : “Assurer un passage à l’action rapide” et partager ses expériences avec les autres collectivités françaises via la plateforme “Plus fraîche ma ville”.
Avec un budget de 14,7 millions d’euros en 2024, le triple de celui de l’année 2023, cette nouvelle édition de “Toulouse + fraîche” comprend une trentaine d’actions allant de la plantation d’arbres, à la desimperméabilisation des sols ou encore à l’installation de fontaines à eau et d’ombrières “quand la végétalisation est impossible”, insiste Clément Riquet. Comme c’est notamment le cas, place du Capitole, où une ombrière à ruban a pris place devant la mairie et permet “de faire baisser la température de 4 degrés environs”. La ville en compte cette année pas moins de 18. A plus long terme, Toulouse se fixe le défi d’améliorer son “albédo”, à savoir la capacité d’une surface à réfléchir les rayons du soleil. “En gagnant 0,1 d’albédo, c’est-à-dire en éclaircissant un peu nos chaussées ou nos toitures, c’est jusqu’à 6°C de température ressentie en moins”, explique Clément Riquet. Et pour y arriver, plusieurs solutions sont à l’étude sur les voiries, sur les trottoirs mais également sur les toitures en tuiles romaines si charismatiques de la ville rose.
Economiser l’eau, l’autre chantier d’ampleur
L’autre gros chantier de cet été 2024 porte sur l’eau et sa consommation. Depuis plusieurs années, la Garonne voit son débit baisser. En 2023, jamais autant d’eau de barrage n’avait été lâchée pour maintenir un niveau minimal dans le fleuve. Et cette année, malgré un printemps pluvieux, les premiers lâchers d’eau viennent d’être déclenchés. “L’eau est un bien précieux, il faut que chacun prenne conscience que nous allons aux devants d’années de plus en plus difficiles”, constate auprès de Novethic le vice-président de Toulouse Métropole, chargé de l’eau et de l’assainissement, Robert Médina. Surtout que la Garonne est l’unique source d’eau potable des 37 communes de la métropole. “Nous ne pouvons plus la dépenser comme nous le faisions jusqu’à présent”, alerte cet élu.
Depuis le 1er juin, environ un million d’habitants ont pu constater que leur facture d’eau a augmenté. La raison ? La mise en place d’une tarification saisonnière. Une première en France. Concrètement, le mètre cube est passé de 3,32 euros à 4,40 euros, et ce durant cinq mois. Dès novembre, celui-ci “retombera à 2,58 euros TTC, un tarif bien inférieur au prix de l’eau en France”, insiste Robert Médina. En 2021, le prix moyen de l’eau en France était de 4,34 euros par mètre cube, toutes taxes comprises. Financièrement, l’impact restera modéré sur le portefeuille des Toulousains, promet l’élu. Surtout pour ceux qui ne consomment pas plus l’été. Et pour tendre vers plus de sobriété, la collectivité distribue, pour la deuxième année consécutive, des économiseurs d’eau. Alors que 5000 kits avaient été offerts en 2023, ce sont près de 30 000 qui le seront cette année. “Ces kits, également disponibles en magasin de bricolage, peuvent permettre de faire 30 à 40% d’économie d’eau”, nous indique Robert Médina. Toutefois, la ville se laisse néanmoins un an pour tirer un premier bilan de cette double tarification.
“Nous sommes mitigés”
Ces séries de mesures connaissent néanmoins des oppositions. Pour l’opposition écologiste, ce plan reste “insuffisant”. “Nous sommes mitigés non pas sur les actions qui sont faites, que l’on peut parfois valider, mais sur celles qui ne le sont pas”, réagit auprès de Novethic, Antoine Maurice, président du groupe des élus écologistes à la mairie de Toulouse. Il regrette notamment que le plan de végétalisation de la ville, avec l’ambition de planter 100 000 arbres d’ici à 2030, “manque d’une vision globale“. “Il ne s’agit pas tant de planter que de planter mieux pour garantir la pérennité des arbres et construire de véritables îlots de fraîcheur”, précise-t-il.
Alors que la mairie affirme vouloir “débitumer” Toulouse, elle continue au contraire de l’artificialiser avec la construction d’un échangeur supplémentaire au niveau de la rocade. Pour Antoine Maurice, “en artificialisant ces 20 hectares d’espace verts, qui font office d’îlot de fraicheur dans le sud-est toulousain, la mairie met en péril tout son plan d’adaptation au changement climatique“. “Il faut de la cohérence dans tous les projets et non pas se contenter de solutions gadgets”, avertit l’élu d’opposition.