Nouveau coup d’éclat au sein de l’administration Trump. Lee Zeldin, l’administrateur de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), a annoncé dans un communiqué qu’il souhaitait mettre fin à la publication d’un bilan carbone par les entreprises les plus polluantes. Ce programme de déclaration des gaz à effet de serre (GHGRP), lancé en 2010 par Barack Obama, oblige plus de 8 000 installations et fournisseurs aux États-Unis, à soumettre chaque année un bilan d’émissions de gaz à effet de serre.
C’est un outil crucial pour le pilotage de l’action climatique du pays, mais aussi pour les entreprises elles-mêmes afin d’orienter leur trajectoire vers la neutralité carbone. En France, la loi Grenelle II avait également introduit en 2010 l’obligation de réaliser un bilan carbone pour les entreprises de plus de 500 salariés tous les quatre ans. Au niveau européen, c’est la CSRD qui rend ce bilan carbone obligatoire pour toutes les entreprises dès cette année. Mais la directive fait l’objet d’un processus de simplification via le paquet omnibus.
“Lourdeur administrative”
De l’autre côté de l’Atlantique, c’est également “le fardeau administratif” que représente ce reporting qui est pointé du doigt. “Le programme de déclaration des gaz à effet de serre n’est rien d’autre qu’une lourdeur administrative qui n’améliore en rien la qualité de l’air, a ainsi déclaré Lee Zeldin. Au contraire, il coûte des milliards de dollars aux entreprises et à l’industrie manufacturière américaines, renchérissant le coût de la vie, mettant en péril la prospérité de notre pays et pénalisant les communautés américaines.” Il évoque ainsi une économie qui pourrait atteindre 2,4 milliards de dollars en coûts réglementaires.
Cette nouvelle mesure s’inscrit dans la suite logique des décrets signés par le président Trump dès son premier jour de mandat, qui visent à réduire les réglementations climatiques et environnementales et à promouvoir la production d’énergie fossile. “Une fois de plus, cette administration tente de dissimuler les données afin de masquer les dommages, a fustigé Julie McNamara, de l’association Union of concerned scientists, auprès de l’AFP. Si nous ne pouvons pas dire ce que fait une entreprise, nous ne pouvons pas la tenir pour responsable.”
D’autant que le bilan carbone n’est pas le seul élément de la transparence des entreprises auquel le gouvernement américain veut s’attaquer. Le président de la SEC, le gendarme américain des marchés, a déclaré au Financial Times qu’il interdirait aux entreprises étrangères présentes aux Etats-Unis d’utiliser les normes comptables de la fondation IFRS si celle-ci continuait de développer son système de reporting extra-financier connu sous le nom ISSB. Selon lui, ce reporting de durabilité pourrait dégrader la comptabilité IFRS de ces entreprises et les rendre incompatibles avec la norme comptable américaine. Les entreprises étrangères devraient alors modifier entièrement leur système comptable pour continuer d’opérer aux Etats-Unis.
Des intentions à double tranchant
Mais l’administration américaine veut aller encore plus loin concernant ses entreprises domestiques. Donald Trump a demandé à la SEC de renoncer à la règle ancienne obligeant les entreprises à publier leurs résultats financiers tous les trimestres, pour se contenter des résultats semestriels. Le président américain estime que cela permettrait de réduire les coûts de reporting pour les entreprises et éviterait aux dirigeants de céder au court-termisme des marchés financiers.
Une intention a priori louable, les entreprises responsables ayant, par exemple, besoin de vision à long terme pour installer une stratégie de transition écologique. Mais qui peut aussi se révéler à double tranchant. Moins de reporting signifie moins de données disponibles pour les investisseurs et moins de possibilité de contrôler les pratiques de l’entreprise. “Si vous voulez réduire la fraude comptable, réduire les risques de délit d’initiés, améliorer la robustesse de nos marchés de capitaux, et permettre aux entreprises d’investir au long cours, je pense que plus de transparence est vraiment bénéfique“, déclare ainsi Salman Arif, professeur à la Carson school of management de l’université du Minnesota, sur le site américain NPR (National public radio).
Les entreprises responsables ne sont en effet pas les seules à voir loin, comme le rappelle Alison Taylor, professeure d’éthique des affaires à la Stern School of business de l’université de New York. “Vous savez qui d’autre est connu pour sa vision à long terme ? Les compagnies pétrolières. Les entreprises du tabac. Jeff Bezos“, s’inquiète-t-elle sur LinkedIn.