C’était il y a trois mois quasiment jour pour jour, Michel Barnier prenait les rênes de Matignon à la suite de la dissolution voulue par Emmanuel Macron. “Michel Barnier, un ancien ministre de l’Environnement à Matignon”, titrait alors Novethic, rappelant en effet que l’homme politique avait non seulement été chargé de mission au cabinet du ministre de l’environnement de Robert Poujade en 1973 mais aussi ministre de l’Environnement de 1993 à 1995 sous le gouvernement Edouard Balladur, en pleine cohabitation avec François Mitterrand. Michel Barnier avait laissé un “bilan positif” de ce mandat. Même Greenpeace reconnaissait un “intérêt sincère” du Premier Ministre pour “les problématiques environnementales et un bilan concret sur ces sujets”. De quoi imaginer que les enjeux de transition écologique et sociale rayonnent sur l’ensemble du gouvernement.
Mais c’était il y a longtemps. Entre 1995 et 2024, près de 30 ans se sont écoulés et Michel Barnier semble avoir oublié ce qui l’animait alors. Pris dans l’urgence du compromis, dans l’impérieuse nécessité d’une stabilité, dans une crise politique quasi inédite en France, l’écologie est passée à la trappe. Les reculs sont nombreux. Le plus récent : le plan “Ambition Industrie” pour réindustrialiser la France prévoyait par exemple de supprimer l’intervention de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) pour certains projets industriels. Cette commission, pourtant été créée par Michel Barnier lui-même en 1995, vise à informer et consulter le public pour une meilleure prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux. Autre mesure : l’exemption pour les projets industriels des objectifs Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Un “nouveau cap” dans le “détricotage du droit de l’environnement et de la démocratie environnementale”, dénonçait alors Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous.
L’écologie dans le mur
Et puis il y a eu ces petites phrases qui ont eu l’effet d’une bombe. L’idée d’un “moratoire” sur les réglementations “très lourdes”, comme “la directive CSRD dont il convient de réexaminer la portée”, déclarait Michel Barnier dans une interview au Journal du Dimanche. Cette directive, une des pierres angulaires du Green Deal européen, oblige les grandes entreprises à publier un reporting détaillé de leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Et enfin, le projet de loi de Finances pour 2025, celui-là pour lequel le gouvernement a proposé des coups de rabot sur des dispositifs clés de la transition écologique. Ma Prime Rénov’ amputée, le fond vert pour les collectivités taillé dans le vif, les primes à l’achat des véhicules électriques grevées… Au total, la baisse de crédits atteignait 1,9 milliard d’euros. Mais derrière ce “bilan” d’un très éphémère Premier ministre, que reste-t-il ? Quel sera l’après ?
Et la crise environnementale continue
Les Français attendent toujours des politiques climatiques ambitieuses si celles-ci vont de pair avec une fiscalité plus juste et efficace. C’est en tout cas ce qu’il ressort d’une étude publiée le mois dernier par l’Agence de la transition écologique, l’Ademe. Tout est un jeu d’équilibre et de justice sociale. Ils sont ainsi 82% à être favorables à la mobilisation de ressources comparables à celles employées pour limiter les conséquences de la pandémie de Covid-19. Cela passe, notamment, par l’augmentation des impôts sur les plus riches et les entreprises.
Alors que les conséquences du changement climatique se déchaînent partout dans le monde, y compris en France, le ou la prochaine Première ministre, si la Ve République survit, portera-t-elle ces changements si attendus ? La France arrivera-t-elle à sortir par le haut de cette crise qui perdure ? C’est toute la question.