Publié le 5 septembre 2024

60 jours après les élections législatives, Emmanuel Macron vient enfin de nommer un Premier ministre. Michel Barnier, ancien ministre de l’Environnement et plusieurs fois commissaire européen prend les rênes de Matignon. Si même ses opposants lui reconnaissent un “intérêt sincère” pour les problématiques environnementales et l’héritage précieux qu’il a laissé sur ces sujets, ses positions très à droite sur l’immigration sont décriées… sauf au sein du Rassemblement national.

Fumée blanche au-dessus de l’Elysée. Ce jeudi 5 septembre, près de deux mois après le second tour des élections législatives dont le Nouveau front populaire est arrivé en tête, Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier Premier ministre. Depuis plusieurs jours déjà, le Président de la République cherchait un nom pour “rassembler le plus largement”. Comprendre : éviter une motion de censure devant une Assemblée nationale très divisée. Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand auraient ainsi été approchés dans un premier temps mais c’est Michel Barnier, ancien commissaire européen et membre des Républicains, qui a finalement remporté l’adhésion du Président le chargeant “de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français”, indique l’Elysée dans un communiqué.

A 73 ans, le Premier ministre le plus âgé de la Vème République succède ainsi au plus jeune. Emmanuel Macron a fait le choix de l’expérience, Michel Barnier ayant été à plusieurs reprises ministres, sous les présidences de François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy puis plusieurs fois commissaire européen. C’est également lui qui, de 2016 à 2021, a été le négociateur de l’UE sur les conditions du Brexit. Un poste qui lui a valu d’être très apprécié dans les couloirs de Bruxelles. “L’expérience de Michel Barnier en Europe montre qu’il sait construire des compromis”, commente Neil Makaroff, directeur du think-tank européen Strategic Perspectives.

“Le meilleur choix dans cette sphère politique”

Chargé de mission au cabinet du ministre de l’environnement Robert Poujade en 1973 puis ministre de l’Environnement de 1993 à 1995 sous le gouvernement Edouard Balladur, en pleine cohabitation avec François Mitterrand, Michel Barnier a laissé un “bilan positif” de ce mandat. “En 1993, l’écologie était minoritaire dans le débat public et pourtant il a réussi à concevoir une loi très importante encore aujourd’hui : la Loi Barnier, du 2 février 1995″, rappelle l’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement. Cette loi a institué les principes généraux du droit de l’environnement et une série de nouvelles exigences, à savoir la création de la commission nationale du débat public, l’instauration du principe du pollueur payeur ainsi que la mise en place du fonds d’aides aux collectivités pour faire face aux catastrophes naturelles.

Même Greenpeace reconnait au nouveau Premier ministre un “intérêt sincère” pour “les problématiques environnementales et un bilan concret sur ces sujets”. Interrogée par Novethic, Corinne Lepage, qui a succédé à Michel Barnier au ministère de l’Environnement, concède qu’il est “le meilleur choix dans cette sphère politique”. L’avocate, qui avait soutenu la candidature de Bernard Cazeneuve y voit un homme politique “à la fibre sociale, un gaulliste, un homme d’ordre avec le sens de l’humain”. “J’espère qu’il va réussir pour nous tous”, plaide-t-elle.

Reste que depuis son passage au ministère de l’Environnement, “Michel Barnier s’est peu exprimé sur la transition écologique“, s’inquiète Anne Bringault du Réseau Action Climat. “Nous attendons des gages forts de sa part”. Or en pleine restriction budgétaire, l’écologie risque fort d’être la variable d’ajustement. Le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal a en effet proposé des coupes de plusieurs milliards sur la rénovation énergétique, l’électrification des véhicules ou encore la biodiversité. “Ça va être compliqué, surtout avec une Assemblée aussi fragmentée où beaucoup de députés sont anti-écolo”, pense Arnaud Gossement.

“De qui se moque-t-on ?”

Si, sur l’écologie, l’homme politique semble faire un tant soit peu consensus, ses positions sociales alimentent la controverse. En 1981 il a voté contre la dépénalisation de l’homosexualité. En tant que député il s’est également opposé au remboursement de l’interruption volontaire de grossesse. Plus récemment, en 2022, Michel Barnier, candidat à la primaire des Républicains, a notamment proposé de “stopper immédiatement les régularisations”, “limiter rigoureusement le regroupement familial et réduire l’accueil des étudiants étrangers”. Des positions qui lui permettent de ne pas être rejeté d’emblée par le Rassemblement national. “Nous jugerons sur pièces son discours de politique générale, ses arbitrages budgétaires et son action”, a ainsi avancé le président du parti Jordan Bardella. “Cette nomination est une déception pour celles et ceux qui ont lutté avant l’été pour donner un cap politique différent à la France. Ce choix ne reflète pas le résultat des élections de juillet dernier”, pointe Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Cette nomination va “aggraver la fracture sociale et écologique”, analyse-t-il.

Pour la coalition NFP, arrivée en tête des élections législatives, c’est la douche froide. “De qui se moque-t-on ?”, s’interroge la patronne d’Europe Ecologie les Verts, Marine Tondelier, dans une vidéo. “Le déni démocratique porté à son apogée : un Premier ministre issu du parti qui est arrivé en 4e position et qui n’a même pas participé au Front républicain. Nous entrons dans une crise de régime”, a de son côté réagi le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure. Quant à Jean Luc Mélenchon de La France Insoumise, il a dénoncé le “vol” de l’élection et appelé à une mobilisation samedi 7 septembre prochain pour “le respect de la démocratie”.

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