Publié le 6 mai 2024

Alors que les élections européennes se dérouleront le 9 juin prochain, le bilan de la mandature actuel apparaît en demi-teinte. Si une dynamique inespérée a émergé autour des enjeux énergétiques et climatiques, le Green Deal a échoué à s’attaquer à la transition agricole. Un sujet qui risque de passer à la trappe.

Il y a cinq ans, les élections européennes avaient entraîné une recomposition totale des rapports de force à Bruxelles. Et contre toute attente, ce chamboulement a permis de donner une place majeure, sinon centrale, à la transition écologique tout au long de la mandature à travers la mise en œuvre du Green Deal (ou Pacte vert). Porté par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, issue des rangs du PPE, le parti conservateur européen, il vise à faire de l’Europe un continent “climatiquement neutre” d’ici 2050.

Rien ne laissait présager que la mandature prendrait une telle tournure alors qu’aucune majorité claire ne s’était dégagée du scrutin. Contre toute attente, c’est de l’alliance entre le PPE, les Sociaux démocrates (S&D) et Renew Europe qu’est né le Green Deal. “La surprise est à la fois que les partis écologiques n’en sont pas et que le point commun dans une alliance allant d’une gauche pas tout à fait au centre à une droite pas très loin des conservateurs se trouve être la question environnementale“, commente Xavier Timbeau, directeur principal de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). “En plaçant le sujet très haut dans l’agenda politique, l’Union européenne a produit un cadre ambitieux, concret et original et ce malgré un contexte compliqué (Covid, guerre en Ukraine, crise énergétique…)”, ajoute-t-il.

“Boussole de l’économie européenne”

De très nombreuses directives sur l’énergie et le climat ont été adoptées en un temps record. Parmi elles, la plus symbolique est sans doute la fin des véhicules thermiques en 2035. Mais on peut également citer l’extension du marché carbone aux secteurs maritime et aérien, la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’UE, la fin des produits issus de la déforestation importée ou encore l’instauration d’objectifs ambitieux de production d’énergies renouvelables. En parallèle, une série de textes viennent placer l’environnement au cœur du système économique et financier au travers de la taxonomie, du règlement sur le reporting en matière de finance durable (SFDR), mais aussi en matière de développement durable des entreprises (CSRD) ou du devoir de vigilance (CSDDD).

Le Pacte vert est ainsi devenu une véritable “boussole” pour l’économie européenne, faisant de l’UE un “laboratoire de la transition mondiale” selon Nicolas Berghmans, responsable Europe au sein de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). “Nous l’avons constaté ces cinq dernières années, le Pacte vert a déclenché énormément d’investissements dans la transition écologique, ainsi que son intégration dans la stratégie de nombreuses entreprises”, confirme auprès de Novethic Claire Tutenuit, déléguée générale d’Entreprises pour l’environnement (Epe).

Des reculs majeurs sur la protection de la nature

Mais ces derniers mois, il y eu de nombreuses attaques contre les textes ciblant le secteur agricole et plus globalement la protection de la nature. Face à la forte mobilisation des agriculteurs en début d’année, le Parlement européen a adopté mi-avril une PAC (Politique agricole commune) moins verte, actant des reculs sur la couverture des sols, la rotation des cultures ou encore la protection des haies. Quelques semaines auparavant, l’adoption de la loi sur la restauration de la nature, un texte crucial pour la biodiversité, avait été bloquée à la dernière minute malgré un accord en trilogue. La directive sur la réduction des pesticides ainsi que la stratégie “De la ferme à la table” ont quant à elles étaient tout bonnement enterrées.

“Les gouvernements n’avaient pas pris conscience de la difficulté à transformer le secteur agricole, regrette Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer, au sein de la Fondation pour la nature et l’homme, interrogé par Novethic. Pour répondre à la colère, ils ont choisi de détricoter les acquis environnementaux avec le risque de mettre à mal nos capacités productives à venir. En attendant, les vrais sujets autour des revenus et du partage de la valeur n’ont pas été abordés”.

Risque de retour en arrière

Le Pacte vert a ainsi été peu à peu délaissé, grignoté par les questions de compétitivité économique, de sécurité et d’autonomie stratégique. Dernier exemple en date le Pacte de compétitivité présenté lors du dernier Conseil européen, notamment pour faire face à la concurrence chinoise et américaine. “Il ne faut surtout pas casser la dynamique qui a émergée, insiste Claire Tutenuit. Il faut de la continuité dans les politiques de décarbonation afin que les investissements engagés soient amortis et que les entreprises aient un cap clair quant aux tendances de développement.”

S’il semble difficile de revenir sur les textes déjà adoptés dans le Green Deal, il existe cependant un risque lors de leur transposition au niveau national. “Ils pourraient être mal appliqués ou pas appliqués par certains Etats membres, ce qui serait comparable à un retour en arrière”, prévient Xavier Timbeau de l’OFCE. Or “aucun argument économique ou géopolitique ne justifierait d’arrêter la mise en œuvre du Pacte vert ou d’en réduire l’ambition”, soutient également Nicolas Berghmans de l’Iddri.

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