“La vague mondiale de blanchissement des coraux est la plus importante jamais enregistrée”. Un an après avoir constaté un quatrième épisode de blanchissement massif des coraux, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) renouvelle son alerte dans un communiqué diffusé le 23 avril dernier. D’après leurs données, “entre le 1er janvier 2023 et le 20 avril 2025, un stress thermique synonyme de blanchissement a touché 83,7% des récifs de la planète”.
Happy #EarthDay! 🌎 Today, we are celebrating #CoralReefs because they provide critical habitat for marine species, a source of food for over 500M people, and protection from storms and surges. https://t.co/rWHDs6ONnT
— NOAA Coral Program (@NOAACoral) April 22, 2025
La raison de ce phénomène ? La succession de canicules marines car ces écosystèmes sont particulièrement sensibles à la hausse de la température de l’eau et à son acidification, causées par le changement climatique. Cela se manifeste notamment par leur décoloration en raison de l’expulsion de leurs zooxanthelles, des algues vivant en symbiose avec le corail, qui lui apportent les nutriments dont il a besoin et sa couleur vive.
“Une tempête de neige silencieuse”
Il s’agit ici du quatrième épisode de blanchissement depuis 1998 et il s’étend à tous les océans, de l’Atlantique au Pacifique en passant par l’océan Indien. Mais c’est malheureusement l’épisode “le plus important à ce jour”, notifie la NOAA. Lors du premier épisode en 1998, 21% des récifs avaient été endommagés. Mais ce taux a augmenté lors de la deuxième vague, passant à 37% en 2010 et à 68% pendant la troisième, entre 2014 et 2017.
“Le fait que tant de zones récifales aient été touchées, y compris des prétendus refuges thermiques comme Raja Ampat et le golfe d’Eilat, suggère que le réchauffement des océans a atteint un niveau où il n’y a plus de refuge sûr contre le blanchissement des coraux”, déplore Derek Manzello, directeur du Coral Reef Watch. Un point sur lequel le rejoint la chercheuse Melanie McField, qualifiant ce blanchissement de “tempête de neige silencieuse“.
“L’ampleur et l’étendue du stress thermique sont choquants (…) et si les canicules marines se succèdent, il est difficile de voir comment le rétablissement va se produire”, explique Melanie McField à nos confrères du Guardian. Dans leur rapport spécifique sur l’océan et la cryosphère (2019), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indiquait que 70 à 90% des coraux seraient menacés dans une planète à +1,5 °C, et même 99% d’entre eux qui pourraient disparaître avec un réchauffement climatique à +2 °C, soit la limite fixée par l’Accord de Paris.
Améliorer la protection des récifs coralliens
Pour Pascale Joannot, océanographe et présidente du conseil scientifique de la Fondation de la mer, “si la période de stress thermique est trop longue, les coraux peuvent en mourir. Or, ils vont mettre 15 à 18 ans pour se régénérer après un épisode de blanchissement”. Mais, même si ces récifs parviennent à se reconstituer, “il y aura une perte de diversité spécifique, c’est-à-dire que le récif régénéré comptera moins d’espèces qu’avant sa mort”, précise-t-elle.
Or, “les coraux ne sont pas seulement beaux. Un tiers de la vie marine connue en dépend, et un milliard de personnes en vivent”, rappelle l’Initiative internationale pour les récifs coralliens (ICRI). Outre leur réservoir de biodiversité extraordinaire, ils protègent les littoraux contre l’effet destructeur de la houle, et génèrent des activités économiques comme le tourisme ou la pêche. “Certains poissons se nourrissent des coraux, d’autres s’y reproduisent…”, rappelle Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes).
Mais des solutions existent. Selon les scientifiques de l’ICRI, l’une des possibilités serait d’étendre les aires marines protégées, ou encore de lutter contre la pollution et le surtourisme. Néanmoins, ces solutions peuvent être perçues comme des pansements sur une jambe de bois si le fond du problème n’est pas traité. “La meilleure façon de protéger les récifs coralliens est de s’attaquer à la cause première du changement climatique”, affirme Mark Eakin, secrétaire exécutif de l’International Coral Reef Society et ancien responsable de la surveillance des coraux au sein de la NOAA. “Cela signifie qu’il faut réduire les émissions humaines qui proviennent principalement de la combustion des énergies fossiles”, ajoute-t-il.