Publié le 4 mai 2025

Du basket au monde des affaires, il n’y a qu’un pas pour Tony Parker. L’ancien sportif français souhaite construire une méga-structure hôtelière et touristique au pied des stations de ski de Villard-de-Lans et de Corrençon, situées en moyenne montagne. Mais son nouveau projet immobilier divise à l’heure du changement climatique, alors que l’époque du “tout ski” semble bel et bien révolue.

Rien n’est encore joué pour l’ancien basketteur français. Tony Parker, devenu aujourd’hui entrepreneur, a décidé d’investir dans nos montagnes françaises, et plus précisément dans celles du Vercors. Son choix s’est porté sur les stations voisines de moyenne montagne de Villard-de-Lans et de Corrençon, à 45 minutes de la ville de Grenoble. Après avoir acheté en 2009 pour 9 millions d’euros, via sa holding “Infinity Nine Mountain”, près de 77 % de la société des remontées mécaniques (SELVC), l’ex-joueur des Spurs de San Antonio veut aller plus loin avec la construction d’un complexe immobilier de haut standing, une UTN (“unité touristique nouvelle”), à 96 millions d’euros.

Dans le détail, l’”Ananda Resort” prévoit une centaine d’appartements avec 700 lits, 2 450 m² de commerces, une salle d’activité indoor de 7 650 m², des restaurants, une crèche, des espaces de bien-être et 520 places de parking souterraines… Un environnement bien éloigné de la clientèle habituelle de la station, qui se veut plutôt régionale et familiale. Alors face au gigantisme du projet, les habitants sont circonspects, voire opposés.

Un projet “incohérent”

Regroupés au sein d’un collectif “Vercors citoyens”, les quelques milliers d’opposants dénoncent une vision “du siècle passé”, centrée sur l’économie des sports d’hiver. “Certains ne veulent pas de projet du tout, certains ne veulent pas de ce projet-là, mais on n’est pas promoteurs, on n’est pas élus, on est juste au bout de la chaîne à dire que ce projet-là n’est pas cohérent”, explique Loïs Habert, président de l’association et ancien sportif professionnel, au média La Brèche. Selon lui, “il y a encore des gens qui croient qu’on n’a pas eu de chance ces deux dernières années parce qu’il n’a pas neigé”.

Dans cette station aux 125 km de pistes qui serpentent entre 1 111 et 2 050 mètres d’altitude, le niveau d’enneigement naturel ne cesse de baisser. D’après les données collectées par SkiInfo, le nombre de jours où il a neigé sur le massif a été divisé par deux entre 2012-2017 et 2018-2023, passant en moyenne de 18 à 10 jours. Or, le ski représente toujours 80% du chiffre d’affaires de la SELVC. Pourtant, les promoteurs du projet ne sont pas dupes. Dans un document transmis à la Mission régionale d’autorité environnementale, et relayé par nos confrères de Basta !, ils expliquent que “le ski pourra potentiellement continuer d’être pratiqué grâce à l’enneigement artificiel, mais les stations devront défendre la forte consommation d’eau et d’énergie, surtout en période de pénurie d’eau”.

Pour le maire de la commune, ce projet est une aubaine. Selon Arnaud Mathieu, Villard-de-Lans “a besoin de diversification afin d’assurer la pérennité de son activité économique et l’attractivité”. La station “n’aura pas les moyens de garantir à l’avenir le haut niveau d’équipement qui a pu être le sien jusqu’à présent”, prévient-il. Mais c’est sans compter les nombreuses conséquences environnementales que la réalisation de ce projet pourrait entraîner.

De lourdes conséquences environnementales

Située dans le Parc naturel régional du Vercors, la station se trouve, comme le souligne le collectif “Pour un autre projet”, “en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique, en zone d’importance pour la conservation des oiseaux et répertoriée comme station de moyenne montagne soumise aux effets du réchauffement climatique”. Dans une évaluation environnementale du projet, menée par la Mission régionale d’autorité environnementale d’Auvergne-Rhône-Alpes, il est indiqué que “la prise en compte de l’objectif de neutralité carbone doit être davantage traduite dans les mesures éviter/réduire/compenser (ERC) liées à l’aménagement du site”.

Et plus largement, certaines informations manquent quant à l’effet du projet sur l’eau potable ou encore l’assainissement. Or, l’eau est aujourd’hui un enjeu crucial pour le territoire. Cette eau, qui sera essentielle aux canons à neige si le projet venait à se faire, est une ressource appelée à manquer dans les années à venir en raison du changement climatique. D’ailleurs, l’association “Vercors citoyens” explique que les bergers sont d’ores et déjà en manque l’été pour faire paître leur bétail.

Les citoyens avaient jusqu’au mercredi 30 avril pour exprimer leur avis sur le projet via une consultation publique. Sur les 2 000 contributions déjà reçues, plus de 75 % seraient défavorables au projet de l’ex-champion de la NBA. C’est à l’État désormais de trancher si oui ou non ce projet doit voir le jour dans nos montagnes. La réponse est attendue d’ici quelques semaines.

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