Publié le 25 janvier 2018

SOCIAL

Inégalités de salaires hommes-femmes : un écart de 9 % que personne ne parvient à expliquer

C'est un problème auquel aucun gouvernement n'a trouvé de solution : les 25 % d'écarts salariaux entre les femmes et les hommes. Si les caractéristiques de poste et le temps de travail justifient les différences salariales, encore 9 % des écarts restent "inexpliqués". Difficilement quantifiables, ils résultent à la fois de discrimination et d'autocensure. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, veut y mettre fin d'ici la fin du quinquennat. 


Successivement, chaque gouvernement s'est attaqué aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes avec plus ou moins de volonté. Mais aujourd'hui, les femmes gagnent toujours en moyenne, tous temps de travail confondus, 25,7 % de moins que les hommes. Si l’on compare à temps de travail et métiers équivalents, le pourcentage avoisine les 15 %. Un écart qui tend à stagner.

"À partir des années 60-70, il y a eu une vraie baisse des écarts salariaux entre femmes et hommes. La révolution de la pilule a créé une rupture. Mais aujourd'hui c'est plus compliqué", explique Dominique Meurs, chercheuse à EconomiX et l’INED.

Les femmes se heurtent à un écart de salaire d'environ 9 % à poste égal, dont on peut difficilement cerner les raisons. Il n'est dû ni aux différences de conditions de travail, ni à la filière, ni au secteur d'activité, ni au métier, ni au temps de travail. C'est à cet "écart mystère" auquel Muriel Pénicaud, ministre du Travail, a décidé de s'attaquer. Elle souhaite y mettre fin d'ici 2022 à travers un plan d'action à développer. 

En finir avec les 9% d’écart non expliqué

"Ce retard de 9 %, évoqué par Muriel Pénicaud, dépend effectivement de ces écarts dits inexpliqués", confirme Marie Donzel, manager senior chez AlterNego, "la stratégie de la ministre est de combattre d’abord la part discriminatoire des écarts salariaux". Cela concerne, entre autres, les capacités de négociations, le soupçon de maternité pesant sur les femmes en âge d'avoir un enfant ou l'autocensure. 

"Les femmes expriment des prétentions salariales moins élevées que les hommes en début de carrière. Pour un même poste, en sortie d’une école comme HEC par exemple, elles demandent 15 à 20 % de moins que leurs homologues masculins", explique Marie Donzel. "Mais plusieurs études montrent aussi que lorsque les femmes demandent une augmentation, elles ont 25 % de chance en moins de l’obtenir".

Faire appliquer la loi mais sans moyen supplémentaire

La solution passerait par une meilleure application de la loi. Car, selon la secrétaire d’État à l’égalité, Marlène Schiappa, qui s’exprimait en août dans les colonnes de Novethic, "les lois existent sur la féminisation, mais les dispositifs de contrôle et de suivi sont minimes pour ne pas dire inexistantes. La loi n’est pas appliquée, c’est comme s’il n’y en avait pas !".

Pourtant Muriel Pénicaud n’entend pas augmenter le nombre de contrôleurs du travail, elle appelle surtout les entreprises à "plus de transparence", sans rentrer dans les détails. C’est d’ailleurs la voie qu’a choisie l’Allemagne. Une nouvelle loi permet désormais aux Allemandes qui s’estiment discriminées de prendre connaissance du montant du salaire de leurs homologues masculins à poste égal. 

Le douloureux coût de la maternité

Pour supprimer cet écart de 9%, la Ministre devra s'attaquer de front au douloureux coût de la maternité. "La gestion des enfants est le point de rupture essentiel. Il explique le choix des carrières et l’articulation vie familiale vie privée", avance Dominique Meurs.

Entre la grossesse et le congé maternité, les tâches ménagères, l’éducation des enfants, les femmes connaissent "davantage d’interruptions au cours de leur carrière que les hommes", explique le collectif féministe Les Glorieuses. Et se heurtent au plafond de verre, cette barrière invisible qui les empêche d'accéder à des postes à haute responsabilité. 

L'allongement d'un congé paternité discuté au gouvernement 

Mais même sans enfant, un soupçon de maternité pèse sur les femmes. Un baromètre, diffusé par le Défenseur des droits en mars dernier, estimait que une femme sur deux en âge d'avoir un enfant avait subi une expérience discriminante en milieu professionnel. 

D’où l’importance d’un congé paternité allongé qui répartisse mieux la prise en charge. À cet égard, quatre ministres viennent de demander à l’Inspection des Affaires sociales (IGAS) un état des lieux sur le sujet. Plusieurs personnalités, de droite comme de gauche y sont favorables. Reste à trouver des financements, frein important à son développement.

Marina Fabre @fabre_marina


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