Publié le 13 mai 2019
SOCIAL
Le commerce équitable s’installe dans la consommation française
Les produits labellisés "commerce équitable", en soutien aux agriculteurs des pays du sud, mais aussi aux producteurs français, ont connu un bond de 22 % de leurs ventes en France l'an passé, illustrant un "envol" de la "consommation responsable". C’est le constat de la plateforme qui réunit tous les acteurs du système, à l’heure où s'ouvre la quinzaine du commerce équitable, ce 13 mai.

@Faitrade_International__Camilo_Perez
Avec un chiffre d'affaires de près de 1,3 milliard d'euros sur des produits labellisés garantissant un revenu décent aux agriculteurs, la France a réalisé en 2018 "une année assez exceptionnelle", selon Blaise Desbordes, directeur-général du principal organisme de certification de commerce équitable Max Havelaar .
Alors que la consommation dans son ensemble est plutôt stagnante en France, la courbe de la consommation responsable "prend son envol", "les gens n'achètent pas plus, mais achètent plus responsables". Selon lui, cette tendance s'explique aussi bien par des "tendances de fast-consommation qui régressent", que par la prise de conscience du besoin de réduire le gaspillage alimentaire, née des États généraux de l'alimentation (Egalim).
Ce débat lancé par le gouvernement a mis l'accent sur le soutien au revenu paysan face au poids démesuré de l'industrie agroalimentaire et des centrales d'achat de la distribution dans la mondialisation économique et alimentaire, souligne Blaise Desbordes. Or le commerce équitable garantit aux paysans des prix plus rémunérateurs que ceux des marchés mondiaux, des contrats pluriannuels qui leur donnent plus de visibilité, et une prime leur permettant des investissements collectifs pour s'adapter.
Le commerce équitable made in France en forte progression
Dans les filières "made in France" recensées (comme "Agri Ethique", "Ensemble solidarité avec les producteurs" de Biocoop, "Bio-partenaires" ou "Paysans d'ici" d’Ethicable), par la plateforme "commerce équitable France" l'envolée des ventes a été de 34 % en 2018.
Même si les démarches sont comparables, les ventes des produits du type "C'est qui le patron?" et autres gammes "en soutien aux producteurs" lancées dans la grande distribution ne sont pas prises en compte dans le bilan annuel de la plateforme. Car ces produits ne présentent pas les mêmes garanties. "Sur certains produits, leur cahier des charges ressemble à celui du commerce équitable, elles n'ont pas des critères uniformes et pas de contrôle extérieur ni de label commerce équitable" , explique à l'AFP Julie Stoll, déléguée générale de la plateforme. Pour éviter cette confusion, une disposition législative vient d'être adoptée dans la loi Pacte.
Mais des labels de commerce équitable, comme Max Havelaar ne sont pas eux même exempts de critiques. Le montant de "la juste rémunération" versée aux producteurs est critiqué par certains observateurs tout comme le fait de travailler avec des grands producteurs plus à même de répondre aux demandes de la grande distribution mais au détriment des plus petits, pourtant première cible du commerce équitable. Autre grief: celui de permettre aux entreprises de ne faire certifier qu'un seul ingrédient et non l'ensemble du produits. Cette pratique adoptée il y a quelques années alors que le commerce équitable était en berne est également proposée par d'autres labels (ex: Rainforest alliance), mais amenuise la portée du principe.
Changement d'échelle
Dans les filières internationales (chocolat, café, banane..), les ventes de produits équitables ont progressé de 17 % en 2018 en France. "Le commerce équitable s'impose de plus en plus comme une nouvelle norme plutôt que comme une niche militante", estime Blaise Desbordes. Les consommateurs découvrent peu à peu que protéger la planète avec l'agriculture bio et protéger socialement les producteurs sont les deux piliers de la consommation responsable, liant les enjeux environnement-santé et protection sociale. Et face aux effets du réchauffement climatique sur l'agriculture, "le commerce équitable est un accélérateur de transition vers le bio", ajoute Julie Stoll.
Dans la distribution, au-delà des réseaux historiquement engagés comme Biocoop qui a ouvert 70 magasins l'an passé, plusieurs enseignes ont saisi l'opportunité commerciale. En février, Monoprix a basculé toutes ses bananes en commerce équitable et tout son chocolat va bientôt être labellisé Max Havelaar. Chez Carrefour, une banane sur trois vendues est désormais équitable, soit près de 20 000 tonnes par an.
Alors que le prix du café traditionnel est au plus bas (1) et que les conditions de production du café et du chocolat sont de plus en plus critiquées en termes social et environnemental, les torréfacteurs et chocolatiers sont également de la partie. Dans le café, des géants internationaux comme Nespresso se sont mis à l'équitable en 2018 sur certaines dosettes, avec le même cahier des charges exigeant que les distributeurs historiques, militants du commerce équitable. Le groupe L'Oréal a pour sa part basculé tous les approvisionnements de café de ses différents sièges dans le monde en équitable.
Béatrice Héraud avec AFP
(1) Le kilo d'Arabica est actuellement autour de $ 1,98 le kilo sur le marché à terme à New York alors que le coût moyen de production au Costa Rica est de $ 3,19 le kilo, selon la National Coffee Association.