Publié le 20 août 2018
SOCIAL
[Les mots de l'éco] Les maux du travail
L’économie est en pleine mutation. Une transformation qui se voit aussi dans les mots employés pour la décrire et l’analyser. Toute cette semaine, nous vous proposons un décryptage lexical des nouvelles tendances qui se font jour dans l’économie, la finance et le monde du travail. Aujourd’hui, cap sur les maux du travail.

BrainAJackson
- L’explosion du Burn-out
Les chiffres ont de quoi donner le tournis. Selon le cabinet Technologia, près de 3,2 millions de Français seraient en risque élevé de burn-out. Derrière cet anglicisme (qui signifie littéralement "griller"), se cache un syndrome d’épuisement professionnel plongeant le travailleur dans un état dépressif, l’empêchant de mener ses tâches à bien, pouvant l’amener à une incapacité totale de travailler sur une période plus ou moins longue.
"Ce que l’on voit aujourd’hui dans nos cabinets, ce sont des effondrements somatiques, des AVC, des battements à moins de 40 pulsations. Nous n’en sommes plus seulement à des pathologies psychiques, mais à des épuisements physiques, raconte la psychologue Marie Pezé, l’une des pionnières sur le sujet. On assiste à une véritable aggravation de la santé des salariés français."
Un constat alarmant qui a conduit certains députés à proposer en février dernier la reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle. Sans succès à ce jour.
- Le paradoxe du bore-out
Quand le travailleur touché par le burn-out ploie sous la charge de travail, celui touché par le bore-out lui souffre d’ennui par manque de travail… Si le bore-out peut ne pas être intentionnel de la part de l’entreprise, il peut aussi être le fruit d’une stratégie délibérée de celle-ci pour pousser un salarié à la démission.
En mai dernier, une entreprise (Interparfums) a ainsi été condamnée aux Prud’hommes pour "harcèlement moral" sur l’un de ses anciens salariés qui l’avait poursuivi pour "bore-out" après des mois de placardisation. Une première. Et même si le terme "bore-out" n’a pas été explicitement nommé dans le jugement, celui-ci ouvre la brèche à de futures victimes de ce type estime l’avocat du plaignant.
- L’émergence du brown-out
Dernier de la liste des maux en B, le brown-out (littéralement "baisse de courant") dont il est de plus en plus question ces derniers mois. Cette fois, le malaise et la souffrance du travailleur sont liés à la perte de sens de son travail. Résultat : si la personne est toujours "opérationnelle", elle manque cruellement de motivation, d’implication. Elle devient obsédée par l’absurdité de son travail. C’est la crise existentielle.
Pendant de cette nouvelle épidémie, l’explosion des reconversions ou du moins de velléité de changement d’un nombre croissant de salariés, notamment de cadres, vers l’économie sociale et solidaire ou des entreprises mettant en avant leur engagement sociétal. Un secteur qui n’est pourtant pas épargné par le…burn-out…
- La fausse bonne solution du Chief Hapiness manager ?
Face à la multiplication de ces risques psychosociaux, il n’a jamais été autant question d’amener le bonheur au travail. Un nouveau métier a même fait son apparition : le chief hapiness officer (CHO), chargé donc d’amener la joie sur le lieu de travail. Sa mission, au quotidien : favoriser le dialogue, stimuler l’esprit d’équipe, entretenir la motivation, évaluer et favoriser le bien-être dans l’entreprise…
Un métier qui fait beaucoup parler de lui dans les médias mais qui reste encore confidentiel sur le terrain. D’autant que, pour certains, le CHO a toute sa place parmi les "bullshit jobs", littéralement ces "jobs de merde" qui s’apparentent au mieux à une mode, au pire à un de ces métiers vidé de sens réel…
Béatrice Héraud @beatriceheraud