Publié le 26 octobre 2023
POLITIQUE
L’Argentine coule économiquement et son futur président, Javier Milei ou Sergio Massa, n’a pas vraiment de solutions
L’Argentine a gagné la Coupe du monde de football mais perd sur tous les tableaux économiques : inflation à 140%, près de la moitié de la population en-dessous du seuil de pauvreté, monnaie en chute libre et dette qui explose. Les élections présidentielles se déroulent dans ce contexte explosif. Le second tour, programmé le 19 novembre, devra départager Javier Milei, surnommé le Trump de la pampa, et Sergio Massa, ancien ministre de l’Économie, adepte du clientélisme.

JUAN MABROMATA, LUIS ROBAYO / AFP
L’Argentine est encore dans une situation financière calamiteuse. L’euphorie de la Coupe du monde est bien retombée. Après avoir suivi en masse il y a quelques mois, leur équipe nationale de football, emmenée par Messi, les Argentins ont reporté leur ferveur sur un candidat populiste d’extrême droite, Javier Milei qui jusque-là faisait carrière à la télévision comme polémiste. Il est arrivé à son bureau de vote lors du premier tour le 22 octobre dernier en rock star.
LE CANTARON EL FELIZ CUMPLE A MILEI EN SU LLEGADA A LA VOTACIÓN@JMilei #LaLibertadAvanza #FelizCumpleMilei #MileiPresidente pic.twitter.com/saMtOLZadB
— Agarra la Pala (@agarra_pala) October 22, 2023
L’enthousiasme semblait tel qu’il espérait être élu au premier tour. Pourtant "El loco" (le fou) comme il se surnomme lui-même, semble peu capable de sortir l’Argentine du marasme économique dans lequel elle patauge. Candidat d’extrême droite sur la ligne de Donald Trump, il brandit une tronçonneuse dans chacun de ses meetings pour découper l’État et toutes les règlementations existantes et ne jure que par la "liberté" économique qui va rendre à l’Argentine sa grandeur passée. Son programme simpliste intègre par exemple la suppression de la Banque centrale argentine pour pouvoir émettre en toute liberté des billets de banques.
Javier Milei: "Ni la dolarización ni la eliminación de Banco Central son negociables" pic.twitter.com/foYByUBeNo
— LA NACION (@LANACION) October 24, 2023
"Vive la liberté. Bordel !"
Il veut aussi et surtout mettre en place ce qu’il appelle la "dollarisation" qui consisterait à remplacer le peso par le dollar comme seule et unique monnaie en Argentine. Son slogan : "Vive la liberté. Bordel !". Son programme : "dégager" tout le personnel politique, interdire l’avortement mais favoriser le trafic d’organes. Ses intentions : en finir avec "cette aberration appelée justice sociale, synonyme de déficit budgétaire". Il est aussi climato-sceptique ce qui est d’autant plus préoccupant à une période où l’Amérique du Sud connait une sècheresse extrême. Celle-ci a fait perdre 20 milliards de dollars d’exportations agricoles pour l’année 2023.
Javier Milei a réuni avec ces propositions provocatrices 30% des voix. Il est arrivé en seconde position du premier tour, derrière le péroniste Sergio Massa, ancien ministre de l’Économie, plutôt de centre gauche. À la surprise générale, il a obtenu plus de 36% des voix et a éliminé la candidate de droite libérale qui avait la faveur des marchés. Les électeurs argentins semblent au dernier moment avoir hésité à reproduire le schéma brésilien où le passage de Jaïr Bolsonaro au pouvoir avait renforcé la pauvreté et les discriminations avant de culminer avec la "prise" de Brasilia début 2023.
Mais Javier Milei peut encore être élu. Les Argentins sont englués depuis 2001 dans une crise qui n’en finit plus. À cette époque, les dépôts bancaires étaient gelés et le FMI ne voulait plus prêter d’argent au pays. Depuis il va toujours mal et sa dette ne cesse d’augmenter mais le FMI lui a prêté 44 milliards de dollars. Sergio Massa peut "maintenir le contact" et la crédibilité du pays auprès de l’institution financière mondiale même s’il a pratiqué, avant l’élection, des exonérations fiscales massives. En revanche, si El loco fait sombrer l’Argentine dans un anarcho-capitalisme dont il est difficile d’imaginer les contours exacts, l’Argentine n’a plus aucune chance de redevenir l’El Dorado qu’elle était au début du 20ème siècle.
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic