Publié le 13 novembre 2019
ENVIRONNEMENT
La France découvre un trésor de lithium dans son sous-sol, mais n’est pas certaine de pouvoir l’exploiter
La France, au côté de l’Allemagne, est bien décidée à ne pas se laisser distancer dans la course à la batterie pour la voiture électrique. Au cœur de cette technologie, on trouve entre autres le lithium aujourd’hui produit dans une poignée de pays à travers le monde. La découverte d’importants filons en Alsace laisse espérer un approvisionnement national jusqu’à 10 %. Cependant, l’exploitation de matières premières en France est aujourd’hui très difficile.

@ÉS
Archidominée par la Chine et les États-Unis, la fabrication des batteries électriques pour véhicules est la clé de la souveraineté industrielle de nombreux pays, en particulier ceux qui possèdent de grands constructeurs automobiles. La France en fait partie. Associé à l’Allemagne, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé la construction d’usines de batteries à l’avenir. Un investissement qui se compte en milliards, financé entre partie par la privatisation de la FDJ.
Cette filière stratégique aura besoin de matières premières, aujourd’hui au cœur d’une vaste guerre économique. Pour l’une d’entre elles, la France pourrait bien avoir trouvé quelques marges de manœuvre. Le sous-sol alsacien renferme une quantité significative de lithium. Ce sont les sociétés Électricité de Strasbourg (ES), filiale d'EDF, et Fonroche Géothermie, qui révèlent cette découverte, dans le cadre d’explorations du sous-sol en vue d’exploitation géothermique profonde.
La présence de lithium est identifiée depuis longtemps, mais les deux énergéticiens ont mesuré dans les eaux chaudes puisées en profondeur une concentration régulière et élevé, de 180 à 200 mg par litre. "Les analyses dans les eaux extraites des puits de forage confirment la présence de lithium en qualité et quantité très prometteuse permettant d'envisager la production annuelle de quelque 1 500 tonnes de lithium", indique Fonroche dans un communiqué.
Du lithium propre
Cela représente 10 % des besoins actuels de l’industrie française, moyennant la construction de sites d’extraction et d’une raffinerie. L'énergéticien compte implanter en 2021 un "démonstrateur", afin de confirmer ces résultats. Ces essais sont menés par le groupe minier Eramet dans le cadre d'un consortium avec ES, BASF et PSA, explique Bernard Kempf, directeur du développement d’ES.
La production à échelle "industrielle" pourrait ensuite être "espérée en 2025", a-t-il ajouté. "Notre devoir est de rester prudents, le chemin est encore long", nuance-t-il. Et d’ajouter que la technique d'extraction en Alsace aurait un "très faible impact environnemental" permettant de produire un "lithium propre". Car ce sera bien là un enjeu clé pour les industriels.
Vulnérabilités françaises
Quand bien même ils prouveraient la faisabilité technique de l’exploitation, la France se heurte à des fortes oppositions locales pour l’exploitation de matières premières sur son territoire. Par exemple, en Ariège, une mine de Tungstène à Salau vient de voir son permis de recherche annulé par un tribunal. En Guyane, le projet Montagne d'or a été annulé par le gouvernement. Auparavant, l'exploration du gaz de schiste en France avait entraîné des levées de boucliers sur tout le territoire. La réforme du code minier, censé encadrer ces activités, est en souffrance depuis des années, tant le sujet est sensible.
Mais la France doit trouver des solutions pour tous ces matériaux stratégiques de la transition énergétique et numérique. En 2018, une étude du BRGM, de McKinsey et de CRU Consulting mettait en avant une vulnérabilité du pays à six matériaux : cobalt, tungstène, étain, dysprosium, néodyme, praséodyme. Face à ce risque, le CESE appelait le gouvernement à favoriser le recyclage, mais aussi à relancer l’exploration du sous-sol. De son côté, le cabinet Alcimed propose la création de fonds d’investissement publics ou privés pour prendre des parts dans des actifs miniers à l’étranger. La Chine et les États-Unis ont déjà créé de tels dispositifs.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin