Publié le 29 juillet 2019
ENVIRONNEMENT
Nouveau sursis pour la mine de tungstène de Salau en Ariège
Le ministère de l'Économie a annoncé qu'il ferait appel de l'annulation du permis de recherches accordé à la société Variscan Mines pour l'ouverture d'une mine de tungstène dans le sud de la France. Depuis quelques années, on assiste à un regain d'intérêt pour l'activité minière, mais la plupart des projets ont été abandonnés face à l'opposition locale. Celui de la mine de Salau, en Ariège, ne fait pas exception.

@Stop Mine Salau
[Mis à jour le 29 juillet 2019] Le ministère de l'Économie veut sa mine de tungstène, un matériau stratégique en pleine transition écologique et numérique. Il a annoncé qu'il allait faire appel de la décision du tribunal administratif de Toulouse. Celui-ci avait annulé, le 28 juin dernier, le permis exclusif de recherche de mines octroyé en 2016 à Variscan Mines pour une durée de cinq ans.
"Devant l'importance (du projet de la mine de Salau, sur la commune de Couflens, NDLR) pour la vitalisation de la vallée du Salat en Ariège et la sécurisation des approvisionnements en tungstène, un sursis à exécution de la décision d'annulation sera également demandé", précise le communiqué du ministère. Loin d’être un long fleuve tranquille, la réouverture de la mine de Salau, active entre 1971 et 1986, dans la vallée du Couserans, à la frontière espagnole, a tout d’un western version XXIe siècle.
Un mercenaire économique
Dans le rôle du cow-boy, on trouve le porteur du projet, Michel Bonnemaison, un natif de la région, passé par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) et président de Variscan Mines jusqu’en août dernier. Cette entreprise est la plus proactive sur l’exploration minière dans l’Hexagone avec 7 permis obtenus en quelques années. Michel Bonnemaison dirige aujourd’hui "Les Mines du Salat" et "Ariège Tungstène", en charge du dossier de la mine de Salau.
En face, les Indiens sont les habitants du coin. Certains sont favorables à la mine, d'autres s'y opposent. Tous ont découvert le projet de réouverture quand Michel Bonnemaison est arrivé à la mairie un jour de décembre 2014. "Ce type, c’est un mercenaire économique qui se croit revivre sa jeunesse, dénonce Jacques Renoud, premier adjoint au maire de Couflens et co-président de Stop Mine de Salau. Il a rassemblé autour de lui un groupe d’anciens mineurs du village nostalgiques du passé, qui voient dans les créations d'emploi promises un moyen de ressusciter la vallée".
Une mine dans le top 3 mondial
Le permis d’exploration accordé en 2016 par l’État pour la mine de Salau porte sur huit minerais, dont le tungstène, le cuivre et l’or. Le tungstène fait partie des métaux critiques listés par l’Union européenne. La France, comme les autres pays européens, est très fortement dépendante de la Chine qui assure plus de 80 % de la production mondiale. Ce métal extrêmement résistant et non substituable est prisé par l’industrie de l’armement, de l’aéronautique, du nucléaire et de la high-tech.
"Cette mine pourrait se classer dans le top 3 mondial et assurer l’autonomie nationale en tungstène, affirme Michel Bonnemaison. Elle pourrait servir de pilote pour la mise en place de mines responsables en France. Un concept qui s’articule autour d’un ancrage territorial fort avec une usine de traitement associée, le tout en respectant bien évidemment les normes sociales et environnementales". Il ajoute : "Sur place, globalement, 90 % de la population est favorable à la réouverture, qui pourrait se faire dans dix ans, voire un peu plus".
Spéculation boursière
Les opposants, de leur côté, multiplient les arguments : désastre environnemental, menace pour la faune, pollution à l’amiante, montage financier douteux avec une société de capital-risque domiciliée dans un paradis fiscal. Sous la pression de l’État, les porteurs de projet ont d'ailleurs dû faire évoluer le contrat vers une société de droit français, la structure Ariège Tungstène créée en novembre 2016. Mais celle-ci reste la propriété à 100 % d'Apollo Minerals, une entreprise basée en Australie.
La décision du tribunal de Toulouse va encore ralentir le projet, dont les opposants doutent de l'aboutissement. Selon Jacques Renoud, leader de l'opposition locale, il relève "de la spéculation boursière ! Dans la plaquette de présentation officielle du projet, il est davantage question d'or que de tungstène, car l'or attire bien plus les investisseurs. Les porteurs du projet promettent des gisements de l'ordre de 24 grammes par tonne, mais s'il y avait de telles réserves, pourquoi les précédents actionnaires de la mine seraient-ils partis ? On aurait eu la ruée vers l'or."
Concepcion Alvarez @conce1