Publié le 19 octobre 2020
ENVIRONNEMENT
La timide feuille de route du gouvernement pour réduire l'empreinte environnementale du numérique
Ces derniers mois, les rapports dénonçant l'empreinte écologique du numérique se sont multipliés, sur fond de polémique autour de la 5G et du renouvellement des téléphones. Le gouvernement a rétorqué avec une feuille de route qui s'attaque à la durée de vie des terminaux, à la consommation des datacenters et à la question des usages.

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Interdiction des forfaits mobiles illimités et du lancement automatique des vidéos, taxe sur les plus grandes plateformes de streaming vidéo, mise en place d’une convention citoyenne sur les usages du numérique, limitation des dispositifs les plus polluants tels que les objets connectés... Vous ne trouverez rien de tout cela dans la feuille de route présentée par le gouvernement, le 8 octobre 2020, lors d’un colloque "Numérique et environnement". Le document final doit être adopté en fin d’année après concertation avec les parties prenantes, et notamment les membres de la Convention pour le climat.
Pourtant, depuis plusieurs mois, l’Exécutif fait face à une avalanche de rapports émanant d'organisations environnementales, du Sénat et du Conseil national du numérique. Tous pointent l'empreinte écologique du numérique, estimée entre 2 % et 10 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. Pour les limiter, le gouvernement veut se concentrer sur trois axes : le réemploi et la réparabilité des terminaux, l’optimisation énergétique des data centers et les usages du numérique.
Vers une TVA réduite pour les appareils reconditionnés
La durée de vie des téléphones doit impérativement être allongée. "Leur fabrication représente 75 % de l'empreinte écologique du numérique", a rappelé la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Pour favoriser leur réparabilité, une enquête sur les pratiques des constructeurs en matière de pièces détachées va être menée par la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). À partir de janvier 2021, un indice de réparabilité des produits sera affiché à côté des ordinateurs et des smartphones pour informer les consommateurs.
Le gouvernement attend également des opérateurs qu'ils s'engagent en faveur du réemploi des téléphones portables, dont "100 millions dorment dans les tiroirs des Français", selon le secrétaire d'État chargé du numérique Cédric O. "J'invite dès aujourd'hui tous les Français à rapporter ces téléphones qui dorment dans la boutique de l'opérateur le plus proche", a-t-il ajouté. Et "je souhaite que nous ayons au niveau européen une discussion sur l'allégement de la TVA sur les appareils reconditionnés". Dans le cadre du plan de relance, 21 millions d’euros sont prévus pour soutenir le secteur du réemploi et de la réparation.
Orange vient notamment de présenter un programme pour accélérer le recyclage des terminaux. Si seulement 15 % des mobiles de ses clients sont collectés à ce jour, l’opérateur espère faire grimper ce chiffre à 30 % en 2025, et vise 10 % des ventes de mobiles reconditionnés. Mais la nouvelle génération de réseaux mobiles 5G, qui doit être lancée d'ici la fin de l'année, devrait entraîner un renouvellement anticipé des téléphones et une hausse de la consommation de ressources du secteur. "Un effet rebond qui est aussi porteur d'économies d'énergie", a rassuré Cédric O, citant les effets du numérique sur l'optimisation des transports, ou de l'agriculture.
Inciter les data centers à réduire leur consommation
Parmi les autres mesures annoncées figure une "éco-conditionnalité sur le tarif réduit de la taxe appliquée à la consommation d'énergie des centres de données, introduite dans le projet de loi de finances 2021. Pour bénéficier de ce tarif, les data centers devront mettre en place des mesures ambitieuses de maîtrise de leur empreinte environnementale, en matière d'efficacité énergétique et de récupération de la chaleur.
Concernant les usages, une concertation pour identifier les plus gourmands et définir des pistes doit être lancée, notamment autour des vidéos. Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2022, les fournisseurs d’accès Internet et les opérateurs de téléphonie mobile devront fournir aux utilisateurs une information sur le volume de leur consommation et son équivalent en gaz à effet de serre.
Enfin, l'agence de la transition écologique (Ademe) et le régulateur des télécoms (Arcep) doivent publier un rapport sur l'empreinte globale du numérique en France d'ici la fin 2021. En attendant, plusieurs sénateurs viennent de déposer une proposition de loi pour "empêcher la croissance exponentielle de la pollution digitale".
Concepcion Alvarez avec AFP