L’année 2022 va-t-elle se classer comme la plus chaude jamais enregistrée ?

Nous avons assisté à trois vagues de chaleur estivales, accompagnées de canicules. À cela, il faut ajouter deux épisodes ou vagues de chaleur hors saison, dont un épisode de chaleur précoce autour de la mi-mai, et de façon encore plus surprenante, un épisode de chaleur très tardif, qui a duré du 15 octobre au 1er novembre. Pendant ces quinze jours, les températures se situaient de 4 à 10 degrés au-dessus des normales localement. Par exemple, le 28 octobre, il a fait 31,8°C à Tarbes, 28,7°C à Clermont-Ferrand ou encore 24,6°C à Strasbourg. Le mois d’octobre 2022 a ainsi été le plus chaud jamais enregistré en France depuis le début des mesures météorologiques.

Novembre se situe plutôt au-dessus des normales, et devrait encore se situer dans les dix mois de novembre les plus chauds. Reste l'incertitude autour de décembre… Mais même dans un scénario de températures froides, 2022 devrait se classer comme la plus chaude jamais enregistrée en France. Il y a désormais très peu de doutes là-dessus. Car depuis le mois de mai, de façon ininterrompue, nous faisons face successivement à des mois qui se situent au-dessus des normales, et de façon très nette. Nous avons ainsi connu 33 jours de canicule cet été, contre 22 en 2003.

Est-ce que ce constat vous surprend ?

Nous sommes surpris oui, car en tant que citoyens, nous n’avons pas envie que ça arrive, nos cerveaux n'y sont pas préparés. Mais quand on sait que les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas diminué, on ne pouvait pas s’attendre à mieux. En outre, cette année est marquée par le phénomène La Niña, qui en principe joue un rôle d'atténuation sur les températures et qui normalement n’est pas associé aux années les plus chaudes. Ce n’est donc vraiment pas une bonne nouvelle. Et il faut s’attendre à ce que la prochaine année chaude le soit encore plus que 2022. Il est donc crucial de prendre des mesures d’atténuation.

Il n'y a donc plus de doutes sur le lien entre les émissions de gaz à effet de serre et ces anomalies météorologiques ?

Ce qui est déjà démontré, c’est qu’en France, les vagues de chaleur estivales sont deux fois plus fréquentes qu’il y a trente ans. Le Giec indique lui aussi que ces vagues de chaleur vont se multiplier en fréquence et en intensité en raison du changement climatique. En 2022, nous l’observons déjà. Des études d’attribution réalisées en juillet 2019 et en septembre 2020 permettent ainsi de faire le lien. Une autre étude est actuellement en cours sur la période qui court de mai à août 2022. Mais il n’y a pas tellement d’incertitudes sur le lien avec le changement climatique. Et je pense que tout le monde l’a bien ressenti.

Quelles sont les conséquences de ces nombreuses vagues de chaleur ?

La principale conséquence est la sécheresse des sols. Cette année 2022 se classe au troisième rang des sécheresses les plus longues, après 1989 et 2005. Mais ce qui est assez inédit et peu fréquent, c’est que cette sécheresse a touché 90% du territoire plus ou moins longtemps avec des conséquences sur les habitations qui se fissurent, sur la santé des populations (l'été 2022 a été marqué par un excès de 10 420 morts, ndr) mais aussi sur l’agriculture qui a été particulièrement maltraitée cette année, avec un épisode de gel tardif puis un épisode de chaleur précoce.

Dès lors, êtes-vous optimiste pour l'avenir ?

Oui, je crois qu’on avance. Une année comme celle qui s’achève permet à davantage de personnes de prendre conscience des impacts du changement climatique. Si certains peuvent se réjouir de gagner quelques degrés de plus, pour pouvoir déjeuner en terrasse au mois d’octobre par exemple, beaucoup se rendent compte aussi des souffrances qui sont associées à cette hausse des températures. La question devient de plus en plus centrale et je vois autour de moi, mes collègues par exemple, qui changent de mode de vie de façon plus ou moins importante. Cela me conforte dans l’idée qu’il faut rester optimiste.

Propos recueillis par Concepcion Alvarez @conce1