Publié le 22 novembre 2022
ÉCONOMIE
Sécheresse : les coûts d’indemnisation, en forte hausse, mettent les assurances sous tension
La sécheresse qui a commencé dès le début de l’année fait des ravages sur les habitations. Les sociétés d’assurance ont réévalué à la hausse le coût des dommages aux bâtiments provoqués par le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux. Il pourrait rivaliser avec celui de 2003, année la plus chère en termes de sinistres dus à la sécheresse. L’augmentation de la fréquence de ces événements climatiques et de leurs coûts mettent les sociétés d’assurance et les assurés sous haute tension.

@Philippe Desmazes / AFP
La facture ne cesse de s’allonger pour les dégâts causés aux bâtiments par la sécheresse. France Assureurs, la fédération des sociétés d’assurances, a revu son bilan à la hausse. Le coût de la sécheresse pour l’année 2022 devrait se situer entre 1,9 milliard d’euros et 2,8 milliards d’euros, selon les prévisions à fin octobre. Et ces chiffres pourraient encore être revus à la hausse d’ici la fin de l’année vu l’ampleur du phénomène. De nouvelles zones pourraient connaître une sécheresse tardive d’ici la fin de l’année et ajouter de nouveaux dégâts à indemniser.
La sinistralité causée aux habitations par les épisodes de sécheresse provient principalement du phénomène de "retrait-gonflement des argiles". Les sols argileux ont en effet tendance à se rétracter lorsque la teneur en eau diminue et à gonfler lorsqu’elle augmente, ce qui crée des mouvements de terrain dévastateurs pour les bâtiments. Des fissures apparaissent sur la façade des maisons allant jusqu’à les rendre inhabitables dans les cas extrêmes.
L’indemnisation, complexe à débloquer
Cette hausse croissante du coût de la sécheresse met en tension le modèle économique de l’assurance, basé notamment sur la répartition des coûts des sinistres entre les assurés. Le régime des catastrophes naturelles, qui inclut la sécheresse depuis 1989 et qui prévoit une garantie de l’État pour les assureurs, risque de ne pas suffire à faire face à une telle explosion des coûts.
Côté assurés, les fissures sur les habitations sont parfois particulièrement difficiles à faire indemniser. Pour faire jouer l’assurance, il faut qu’un arrêté de catastrophe naturelle ait été publié. Puis il faut réussir à faire le lien entre les dégâts causés sur la maison, l’épisode de sécheresse et la période prise en compte dans l’arrêté. Un parcours du combattant qui relève parfois du casse-tête et qui pourrait laisser supposer que le nombre de sinistres liés à la sécheresse serait encore plus élevé…
France Assureurs estime que 48% du territoire métropolitain est exposé au risque de retrait-gonflement des sols argileux, soit 16,2% des maisons individuelles. Près de 10 millions d’habitations sont donc potentiellement concernées. Les assureurs indemnisent en moyenne par an 29 500 cas de sinistres dus à la sécheresse, pour près de 485 millions d’euros.
Tendance à la hausse des épisodes de sécheresse
L’épisode de sécheresse de l’année 2022 est particulièrement intense. Il devrait rivaliser avec celui connu en 2003 qui avait causé 2,1 milliards d’euros de dégâts. Cette année, la sécheresse a commencé très tôt. Alors que les niveaux d’humidité des sols étaient normaux en début d’année sur presque l’ensemble du territoire, la sécheresse a commencé à atteindre certaines zones de l’Hexagone dès le mois de février. Ces zones n’ont ensuite cessé de s’étaler jusqu’à atteindre la totalité de la métropole à fin octobre.
L’année 2022 s’inscrit néanmoins dans une tendance à la hausse constatée par les assureurs. Entre 1989 et 2015, la sécheresse représentait 15% des sinistres liés à des évènements climatiques. Depuis 2016, elle atteint 24% de la sinistralité climatique. Les coûts explosent également. En tout, les compagnies d’assurance ont déboursé 16 milliards d’euros sur un peu plus de trente ans (de 1989 à 2021) pour indemniser les victimes, mais elles s’attendent déjà à voir la facture grimper dans les prochaines décennies en raison du changement climatique. D’ici 2050, donc dans les trente prochaines années, le coût pourrait atteindre 43 milliards d’euros selon les prévisions des assureurs, qui s’attendent à des épisodes de sécheresse intense tous les trois ans sur cette période.
Arnaud Dumas, @ADumas5