“De graves manquements”, voilà ce que pointe la cellule française (PCN) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’issue de son enquête sur les activités de Shein en France. Lancée en novembre 2023 suite à la saisine des députés socialistes Dominique Potier et Boris Vallaud, la procédure visait à évaluer le respect des principes directeurs de l’OCDE par la plateforme chinoise. Alertant sur “l’absence de conduite responsable de la part de l’entreprise”, les deux plaignants questionnaient alors les impacts environnementaux et sociaux du modèle développé par Shein.
Et les conclusions sont sans appel : Shein est déclaré par le PCN “non-conforme” avec le droit français et européen. Sur les droits humains, tout d’abord, l’enseigne “n’a pas démontré sa capacité à prévenir efficacement le travail des enfants ou le travail forcé”, estime le Point de contact national, qui souligne les “nombreuses limites structurelles” des dispositifs de contrôle mis en œuvre par la société. Régulièrement accusée d’instaurer des conditions de travail inhumaines afin d’assurer son rythme effréné de production, l’entreprise n’a également pas su apporter de garanties suffisantes quant à la rémunération et la liberté syndicale de ses salariés.
Actions “lacunaires”
En matière de risques environnementaux, l’entreprise serait en outre loin d’être alignée avec ses objectifs de décarbonation. Alors qu’elle s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 25% d’ici 2030, ces dernières auraient au contraire été presque multipliées par deux entre 2022 et 2023. Quant aux autres impacts, comme la pollution ou l’usage des ressources naturelles, les actions menées par Shein sont à ce jour “lacunaires” et “inadaptées aux risques réels”, analyse le PCN, rappelant l’ampleur des répercussions sur la planète de l’activité de Shein dont le modèle s’appuie sur la surproduction de vêtements.
Par ailleurs, les conclusions de l’investigation indiquent que “le dispositif de conformité sociale de Shein apparaît largement insuffisant, permettant aux fournisseurs de se soustraire au respect des droits fondamentaux”. La démarche de durabilité et la politique d’approvisionnement responsable de la firme ne sont ainsi pas alignées avec les exigences du devoir de vigilance “telles que définies par l’OCDE”, note encore le PCN.
“Enquête la plus aboutie sur l’ultra fast-fashion”
Interrogé par Novethic, Shein assure avoir “participé de manière constructive à ce processus pendant plus de deux ans” et rester “engagée dans un dialogue constructif”. L’entreprise conteste néanmoins “les allégations selon lesquelles Shein serait en infraction avec diverses législations européennes, en particulier celles qui ne sont pas encore applicables”. “Ces affirmations sont prématurées et trompeuses, les Principes directeurs de l’OCDE n’imposant pas le respect de lois qui ne sont pas encore en vigueur”, affirme-t-elle.
“C’est l’enquête la plus aboutie sur le phénomène de l’ultra fast fashion réalisée par une institution publique, avance de son côté le député Dominique Potier. Ce rapport met en évidence l’urgence de mettre en œuvre la directive européenne sur le devoir de vigilance des multinationales (CS3D) – alors même qu’elle est aujourd’hui menacée par l’”Omnibus” européen, qui sera examiné par le Parlement européen en octobre”.
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