Publié le 11 juin 2025

En l’espace de quelques jours, la plateforme chinoise Shein est devenue la cible de plusieurs procédures lancées par des associations françaises et européennes. Leur but : lever le voile sur les pratiques du géant de l’ultra fast-fashion, pour mieux les encadrer.

C’est un véritable combat qui semble s’être engagé. Tandis que Shein poursuit ses actions de lobbying afin de redorer son image, en France et en Europe, les associations multiplient les procédures afin d’encadrer les pratiques du géant de l’e-commerce. A commencer par ses stratégies marketing agressives. Développés pour encourager les achats impulsifs, ces mécanismes sont accusés d’entraîner une surconsommation de produits ne répondant pas toujours aux normes de sécurité européennes. Des pratiques qualifiées de “litigieuses” par 25 associations de consommateurs, qui ont porté plainte contre Shein auprès de la Commission européenne le 5 juin dernier.

Avec cette démarche, les organisations souhaitent consolider l’enquête lancée en février dernier sur ce sujet par le réseau de coopération en matière de protection des consommateurs (CPC) et la Commission européenne, “en apportant des preuves supplémentaires”. Shein est en effet dans le viseur de l’Europe pour non-respect du droit des consommateurs. Allégations environnementales trompeuses, fausses réductions, opacité sur ses coordonnées… Suite à cette investigation, la plateforme a été accusée de procéder à des pratiques “abusives”. L’entreprise dispose d’un mois pour répondre à ces préoccupations, sans quoi elle pourrait être condamnée à une amende indexée sur son chiffre d’affaires.

Manque de transparence

Quelques jours plus tôt, Les Amis de la Terre et l’Observatoire des multinationales ont effectué un signalement à la Haute Autorité à la Transparence de la Vie Publique (HATVP), dénonçant un manque de transparence de la part de la plateforme chinoise. Lors de la déclaration de ses activités de lobbying à la HATVP, Roadget Business, la maison-mère de Shein, et certains de ses prestataires seraient restés très évasifs, voire auraient omis certains éléments, estiment les deux organismes. Les opérations de lobbying menées par le cabinet Plead, notamment auprès de députés français en vue des débats sur la loi anti fast-fashion, seraient par exemple manquants dans les déclarations de la firme.

Il en serait de même pour Villanelle Conseil, la société de conseils de l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, à laquelle Shein a fait appel pour prendre part à son “comité consultatif sur la RSE” en début d’année. “La montée de puissance de la capacité de lobbying de Shein coïncide avec les retards et la baisse d’ambition de la loi, appuie dans un communiqué Pierre Condamine, chargé de surproduction au sein des Amis de la Terre. Ses représentants ont eu plusieurs rendez-vous à très haut-niveau dont l’Elysée, il y a urgence à lever le voile sur cette influence exercée jusqu’au sommet de l’Etat.”

En parallèle, France Nature Environnement (FNE) a saisi le Jury de la Déontologie Publicitaire. En cause : la campagne dévoilée début mai par Shein, visant à jeter le doute sur la loi anti fast-fashion. Dans la version adoptée par le Sénat mardi 10 juin, cette dernière pourrait imposer des pénalités financières aux entreprises dont le coût environnemental serait trop important. “Une taxe qui ne rendra pas la mode plus responsable. Mais simplement moins accessible”, affirme la marque qui explique par ailleurs s’engager “pour une mode plus durable”. “La campagne de publicité induit le public en erreur. C’est une violation des recommandations de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité”, avance FNE, rappelant en outre que le fabricant est responsable de l’émission de 15 000 à 20 000 tonnes de CO2 par jour.

Déréférencement des plateformes asiatiques

Et les associations ne sont pas les seules à se mobiliser. L’un des derniers coups portés au géant de l’ultra fast-fashion est venu de la Confédération des commerçants de France et du Conseil du commerce de France. Accompagnées de 14 fédérations et plus de 230 enseignes, ces organisations ont adressé le 3 juin dernier une lettre ouverte au gouvernement, afin de demander le déréférencement de Shein et de ses concurrents Temu et AliExpress. Cette mesure, qui permettrait de retirer les trois plateformes des moteurs de recherche, pourrait en effet être prise par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF).

Cela avait déjà été le cas en 2021. La DGCCRF avait alors déréférencé le site de produits à bas prix Wish pendant près de quinze mois afin de la contraindre à se mettre en conformité avec les normes en vigueur en France. Les signataires s’inquiètent par ailleurs de l’impact du contexte international, pointant le risque d’une intensification des exports des entreprises asiatiques vers l’Europe en réponse aux barrières douanières érigées par les Etats-Unis. “Le cadre juridique existe, le chemin est balisé. Il est temps de l’emprunter à nouveau”, pressent-ils, face à une quadruple urgence, “sécuritaire, environnementale, économique et juridique”.

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