Publié le 26 février 2025

Réviser en profondeur le Green Deal, c’est ce que propose l’Union européenne dans sa feuille de route omnibus. Une “dérégulation massive”, qui revient sur les avancées environnementales et sociales des dix dernières années en Europe, et est vivement dénoncée par les professionnels et ONG.

Après de longues semaines d’attente, la Commission européenne a livré sa feuille de route dite “omnibus” visant à réviser une partie du Green Deal européen qui touche aux normes environnementales et sociales sur la transformation durable des entreprises. Alors qu’Ursula von der Leyen et les commissaires européens se voulaient rassurants en parlant d’une “simplification sans remise en cause des objectifs” de durabilité, les propositions mises sur la table mercredi 26 janvier semblent pourtant bien constituer un recul majeur pour la transition écologique et sociale en Europe.

La directive sur la transparence environnementale et sociale, la CSRD, voit ainsi son scope considérablement réduit. De même, la directive sur le devoir de vigilance, qui impose aux multinationales de veiller au respect des droits environnementaux et humains sur leurs chaînes de production, est pratiquement réduite à néant, suscitant l’indignation des experts du secteur de la durabilité, d’organisations professionnelles et du monde associatif.

Omnibus : l’UE confirme la dérégulation de la CSRD, de la taxonomie et du devoir de vigilance

L’UE “cède à la pression des lobbies”

Dans un communiqué conjoint, plusieurs associations sociales et écologiques (Sherpa, Action Aid, Les Amis de la Terre, CCFD-Terre Solidaire, Oxfam France, Notre Affaire à Tous, Reclaim Finance) ainsi que la CGT, dénoncent des propositions qui “reviennent de manière brutale sur des avancées pourtant cruciales pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat”. La remise en cause du devoir de vigilance européen, qui avait consacré une meilleure protection des normes sociales et environnementales dans le cadre de la mondialisation, est notamment perçue comme un recul majeur. Un recul qui pourrait d’ailleurs créer de l’instabilité réglementaire en Europe, puisque la France ou encore l’Allemagne se sont dotées ces dernières années de normes similaires sur le devoir de vigilance, que la loi européenne devait permettre d’harmoniser.

L’organisation patronale du Mouvement Impact France a de son côté indiqué “regretter le chemin emprunté par la Commission européenne” : “Les recommandations de la Commission semblent traduire un recul de l’ambition européenne de créer une compétitivité compatible avec notre modèle social et la préservation de nos ressources” peut-on lire dans le communiqué. “On ne peut pas prétendre lutter contre les dérives de la mondialisation tout en supprimant les outils qui permettent de les encadrer” réagit ainsi auprès de Novethic Charlotte Guériaux Reynal, fondatrice de Transitions & Co et consultante spécialisée auprès des entreprises. 

“En annulant les progrès durement acquis dans le cadre du Green Deal européen, la Commission cède à la pression du lobby des grandes entreprises” lance de son côté Audrey Changoe, chargée de campagne pour le commerce et la responsabilité des entreprises du Climate Action Network Europe. Plusieurs associations de protection environnementale pointent en outre le fait que “les organisations de la société civile ont été complètement mises à l’écart du processus opaque” des négociations.

Vers des négociations houleuses au Parlement et au Conseil

Face à ces propositions, les forces politiques européennes pourraient toutefois être divisées. Si les autorités françaises et allemandes poussent depuis plusieurs semaines pour une dérégulation significative, des pays comme l’Espagne, ou certains pays du nord de l’Europe, ont tenu à rappeler l’importance de soutenir les objectifs de transformation durable de l’économie européenne. Au Parlement, où les propositions de la Commission seront prochainement discutées, les débats pourraient être houleux. 

Pour Pascal Canfin, eurodéputé français pour le groupe Renew, “la proposition de la Commission sur la CSRD est incohérente avec les ambitions que nous nous fixons”. Il craint en outre que certains textes soient encore affaiblis par “une éventuelle alliance entre la droite et l’extrême droite” au Parlement Européen. De son côté, Marie Toussaint, eurodéputée écologiste, qui dénonce une “vaste et inédite opération de dérégulation“, appelle la Commission à “revenir sur la voie du Pacte Vert”.

Le PPE (Parti Populaire européen) et de l’extrême droite n’ont pas officiellement réagi. Ils plaidaient depuis des semaines pour la destruction du Green Deal. Le Medef quant à lui, estime que les annonces de la Commission européenne “sont insuffisantes pour rétablir notre compétitivité”. “Nous devons aller beaucoup plus loin, plus vite. Nous prenons acte des premiers pas. Le Medef continue à porter ses propositions pour faire réussir l’Europe”, écrit Fabrice Le Saché, en charge de l’Europe au sein du Medef. La bataille va se poursuivre tout au long de l’année.

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