L’entreprise régénérative est un modèle économique émergent qui vise non seulement à réduire les impacts négatifs d’une entreprise sur l’environnement ou la société à des seuils incompressibles, mais aussi à créer un impact positif global. Les entreprises régénératives ont pour ambition de contribuer à développer les conditions d’un fonctionnement optimal des écosystèmes naturels et des sociétés, par exemple en agissant pour restaurer certains milieux naturels (les sols, les forêts, les zones humides), en améliorant la gestion des ressources naturelles, en favorisant l’inclusion sociale et en renforçant les communautés.
Le concept d’entreprise régénérative trouve ses racines dans les mouvements écologiques et sociaux qui ont émergé à la fin du 20ème siècle, mettant en lumière les limites du modèle économique traditionnel et la nécessité d’adopter des approches plus durables et équitables. Ce modèle d’entreprise pourrait ainsi s’imposer dans le cadre d’une économie de plus en plus façonnée par les dynamiques de RSE et les critères ESG.
Définition de l’entreprise régénérative et grands principes
L’entreprise régénérative se fonde sur un certain nombre de principes qui sont assez proches de ceux qui sont au coeur de la notion de “développement durable“. Il s’agit ainsi de combiner des dimensions environnementales, sociales et économiques au sein de son modèle d’affaire. Plus précisément, l’entreprise régénérative entend développer des modèles économiques structurés autour de :
Régénération des milieux : L’économie régénérative cherche à restaurer et à renouveler les milieux naturels et les ressources naturelles plutôt que de les épuiser. Cela implique des pratiques agricoles durables, la restauration des écosystèmes, et la gestion responsable des ressources telles que l’eau et l’énergie.
Réduction des déchets et de la pollution : Elle vise à minimiser les déchets et à réduire au maximum l’impact environnemental des activités économiques. Cela peut être réalisé grâce à la conception de produits durables, à la réutilisation et au recyclage des matériaux, ainsi qu’à la mise en œuvre de technologies propres.
Justice sociale et équité économique : L’économie régénérative cherche à promouvoir l’équité sociale en garantissant un accès équitable aux ressources et en réduisant les inégalités économiques. Cela peut passer par des politiques telles que le salaire minimum vital, la promotion de l’emploi local et la protection des droits des travailleurs.
Résilience économique et communautaire : Elle vise à renforcer la résilience des communautés en favorisant l’autonomie locale, la diversification économique et la création de réseaux de soutien mutuel. Cela peut inclure le développement de petites entreprises locales, la promotion de l’agriculture familiale et la mise en place de systèmes d’échange local.
Innovation et collaboration : L’économie régénérative encourage l’innovation dans les pratiques commerciales et technologiques pour résoudre les défis environnementaux et sociaux. Elle favorise également la collaboration entre les entreprises, les gouvernements, les organisations de la société civile et les communautés pour trouver des solutions durables aux problèmes mondiaux.
Méthodes et indicateurs de l’entreprise régénérative
Le concept d’entreprise régénérative peut se fonder sur une variété d’indicateurs de mesure d’impact, tels que l’empreinte carbone, l’empreinte écologique, l’indice de bonheur national brut, les bénéfices non financiers, l’empreinte biodiversité ou l’empreinte eau etc. Toutefois, l’entreprise régénérative n’est pas fondée sur un référentiel clair, précis et harmonisé qui permettrait de démontrer de façon fiable son “impact positif”. Dans l’ensemble, le manque de normes et de cadre clairs peut rendre difficile pour les entreprises de déclarer qu’elles sont régénératives de manière crédible et transparente. C’est la principale difficulté de l’entreprise régénérative : il n’est pas vraiment possible de quantifier la prétention à “régénérer” d’une entreprise. Les principaux freins à ce concept sont :
Définition floue : Le concept de régénération est relativement nouveau dans le monde économique, et il n’existe pas encore de consensus clair sur ce que cela signifie exactement et sur les critères spécifiques qu’une entreprise doit remplir pour être considérée comme régénérative.
Manque de standards universels : Contrairement aux certifications et aux labels bien établis pour la durabilité, tels que le label bio ou les normes liées à la RSE (la CSRD par exemple), il n’existe pas encore de normes universellement reconnues pour les entreprises régénératives. Cela rend difficile pour les entreprises de prouver leur engagement envers la régénération de manière objective et vérifiable.
Complexité des systèmes : La régénération implique souvent des approches holistiques et systémiques qui prennent en compte une multitude de facteurs environnementaux, sociaux et économiques. Mesurer et quantifier l’impact de manière significative et exhaustive peut être extrêmement complexe. C’est notamment le cas lorsque l’on tente de quantifier des atteintes à des systèmes complexes comme les écosystèmes naturels. Comment mesurer l’impact d’une espèce éteinte ? Comment la régénérer ? Autant de questions auxquelles il est aujourd’hui difficile de répondre.
Manque de transparence : Certaines entreprises peuvent prétendre être régénératives sans réellement s’engager dans des pratiques durables. Cela peut rendre difficile pour les consommateurs de distinguer les véritables entreprises régénératives des imposteurs.
Coût financier et temporel : Pour développer des pratiques commerciales régénératives et suivre leur impact, les entreprises peuvent devoir investir des ressources considérables en termes de recherche, de développement et de suivi. Toutes les entreprises ne sont pas en mesure ou disposées à consacrer ces ressources.
De plus en plus d’entreprises utilisent le concept d’entreprise régénérative, mais sans être capable de certifier leurs pratiques comme étant réellement régénératives ou à impact positif. Toutefois, des tentatives de définition de l’entreprise régénérative émergent. Des centres de recherche se structurent autour de ce concept et des normes se développent, telles que la création de normes et de certifications spécifiques à la régénération, ce qui pourrait faciliter la reconnaissance et la promotion des entreprises véritablement engagées dans des pratiques régénératives. Reste qu’il faut rester vigilant au risque de greenwashing autour de l’entreprise régénérative.
L’origine de l’entreprise régénérative
L’entreprise régénérative trouve son origine dans les travaux de l’Institut Rodale, une organisation de recherche et de promotion de l’agriculture biologique et durable. L’Institut Rodale a été fondé en 1947 par J.I. Rodale, un pionnier dans le domaine de l’agriculture biologique aux États-Unis. L’approche régénérative développée par l’Institut Rodale portait initialement sur l’agriculture, au travers du concept d’agriculture régénératrice. Ce dernier repose sur le concept de régénération des écosystèmes agricoles et des communautés rurales. Elle vise à restaurer et à revitaliser les sols, les ressources en eau, la biodiversité et les économies locales tout en produisant des aliments sains et nutritifs.
L’Institut Rodale et d’autres organisations travaillant dans le domaine de l’agriculture régénérative ont joué un rôle essentiel dans la promotion de cette approche et dans la sensibilisation du public et des entreprises à ses avantages. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises agricoles et non agricoles réutilisent le concept et les théories derrière les pratiques régénératives dans leurs opérations, au risque du greenwashing.
Exemples d’entreprises à visée régénérative
Dans la mesure où il n’existe pas de méthodes harmonisées et fiables pour identifier le caractère régénératif d’une entreprise, il est difficile de donner des exemples concrets d’entreprises régénératives. Néanmoins, de nombreuses entreprises se réclament de ce concept, et développent des modèles qui peuvent s’inspirer des pratiques régénératives. Parmi celles que l’on cite souvent :
Patagonia : entreprise d’habillement de plein air, qui utilise parfois matériaux recyclés ou bio, et soutient des causes environnementales et encourage le recyclage et la réparation de vêtements usagés. Sur le volet “entreprise régénérative”, l’entreprise travaille avec des fournisseurs agricoles dont les pratiques s’inspirent de l’agriculture régénératrice.
Interface : entreprise de revêtements de sol qui a multiplié les actions à visées environnementales. Elle a notamment développé des pratiques d’agro-foresterie pour se fournir en matières premières.
Ecover : entreprise commercialisant des produits de nettoyage. Elle s’efforce de réduire les déchets et l’impact environnemental de ses produits grâce à des méthodes d’économie circulaire, qui font partie des piliers de l’entreprise régénérative.
New Belgium Brewing Company : brasserie artisanale qui soutient diverses initiatives communautaires, s’organise autour de fournisseurs issus de pratiques agro-écologiques, réduit sa production de déchets…
NUMI Organic Tea : marque de thés biologiques, qui s’engage à soutenir les agriculteurs, utilise des emballages compostables, parfois issus de bio-matériaux, travaille en partenariat avec des programmes de certification éthique.