Coup de rabot sur des dispositifs clés
Comme attendu, plusieurs mesures phares pour la transition écologique sont rabotées dans le Projet de loi de finances 2025 (PLF 2025), présenté jeudi 10 octobre par le gouvernement. Ma Prime Rénov’, consacrée à la rénovation énergétique des bâtiments, est ainsi amputée d’un milliard d’euros. Les primes à l’achat de véhicules électriques sont grevées de 500 millions d’euros, “dans un contexte de hausse des parts de marché des véhicules électriques”, note le document. Et le Fonds vert pour les collectivités, qui doit accélérer la transition écologique dans les territoires, est réduit de 400 millions d’euros. Au total, ces baisses de crédit atteignent donc 1,9 milliard d’euros. “Faire des économies sur la transition écologique, c’est faire preuve d’une vision court-termiste, regrette Morgane Piederrière, responsable plaidoyer de France Nature Environnement. Le coût de l’inaction représente entre 5 et 25 % du PIB mondial, donc faire des économies là-dessus c’est se préparer des dépenses pour plus tard”.
Verdissement de la fiscalité
En parallèle, le gouvernement propose de renforcer la fiscalité sur certains secteurs polluants. Le malus auto est ainsi renforcé. Le seuil du barème de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules thermiques sera abaissé de 5 grammes de CO2 au kilomètre. Les véhicules qui rejettent 113 grammes de CO2 au kilomètre seront soumis au dispositif au 1er janvier 2025 afin d’“encourager la transition énergétique du parc”, explique Bercy. En outre, dès 2025, le bénéfice de l’abattement dont profitent aujourd’hui tous les véhicules hybrides non-rechargeables sera limité aux seuls véhicules performants sur le plan environnemental. Ces mesures devraient produire 300 millions de recettes à partir de 2026. Le gouvernement souhaite aussi augmenter la TVA sur les chaudières à gaz, de 5,5% à 20 %, afin d’inciter les Français à réduire leur recours aux énergies fossiles. L’augmentation de la taxe sur les billets d’avions devrait rapporter un milliard d’euros et la réduction de l’avantage en nature des véhicules thermiques utilisés en voitures de fonction, 300 millions d’euros. “Une hausse de la fiscalité sur le gaz” va également être proposée par le gouvernement via un amendement, a assuré la ministre de la Transition écologique et de l’Énergie, Agnès Pannier-Runacher, lors d’une conférence de presse.
Le bouclier tarifaire sur l’électricité définitivement enterré
Le bouclier tarifaire mis en place fin 2021 au moment de la crise énergétique va totalement disparaître l’année prochaine. C’était prévu. Un premier rattrapage avait déjà eu lieu en février dernier, le second étant prévu pour février 2025. Mais alors que les prix de l’électricité baissent, le gouvernement entend en profiter pour aller plus loin en augmentant la taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TICFE), qui finance le service public de l’énergie, au-delà de son niveau d’avant la crise énergétique. “Alors que l’électrification de nos usages, pilier de l’atteinte de la neutralité carbone, patine, ce choix ne ferait que renforcer l’incohérence fiscale et climatique. En effet, l’électricité est déjà 4 fois plus taxée que l’essence et 9 fois plus que le gaz, si l’on tient compte de leur impact environnemental”, réagit l’Union française de l’électricité dans un communiqué. La ministre de la Transition écologique et de l’Énergie, Agnès Pannier-Runacher, a affirmé vendredi 11 octobre qu’elle serait “très vigilante” afin que les prix de l’électricité ne pèsent pas sur les industriels, le pouvoir d’achat ou l’écologie.
Contributions exceptionnelles sur les grands entreprises et les très hauts revenus
Une contribution exceptionnelle sera demandée aux plus grandes entreprises (plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel, soit quelques centaines d’entreprises sur 4,5 millions d’entreprises au total). En parallèle, une taxe exceptionnelle sera instaurée sur les grandes entreprises de transport maritime et sur les rachats d’actions annulées, ces opérations qui consistent pour les entreprises à acquérir certaines de leurs propres actions pour pouvoir ensuite les retirer du marché, ce qui favorise les actionnaires. Par ailleurs, les plus hauts revenus (plus de 500 000 euros de revenu fiscal de référence par an pour un couple, soit moins de 0,3 % des ménages imposables) seront imposés à un taux moyen minimum de 20%. “Purement symbolique et temporaire, cette mesure est un trompe-l’œil fiscal, dénonce Fanny Petitbon, responsable France pour 350.org. Le rendement estimé de 2 milliards d’euros par an est dérisoire comparé aux près de 14 milliards que pourrait générer un impôt supplémentaire de 2% sur la fortune des milliardaires français.” “Ces mesures de justice fiscale auront également pour but de favoriser la transition écologique”, précise Bercy.
La toute première Stratégie pluriannuelle de financement de la transition énergétique (SPAFTE)
C’est sans doute le point le plus positif de ce PLF 2025, la présentation de la première Stratégie pluriannuelle de financement de la transition énergétique (SPAFTE), conformément à ce qui avait été adopté dans le budget précédent. Dévoilée par les journaux Le Monde et Contexte, elle affirme que les investissements publics et privés bas carbone devront augmenter “de 110 milliards d’euros par an d’ici 2030” et que les financements fossiles “devront être divisés par deux d’ici 2030”, 80% de la baisse étant à trouver avec le déclin des voitures thermiques. “La publication de cette première édition doit être saluée, elle pose les bases pour bien débattre de la répartition de l’effort d’investissement entre l’Etat, les collectivités locales, les ménages et les entreprises, mais elle n’est pas convaincante à ce stade”, regrette auprès de l’AFP Damien Demailly, directeur adjoint de l’Institut de l’économie pour le Climat (I4CE).