“La RSE (Responsabilité sociale des Entreprises, ndlr) a été inventée pour ne rien changer, alors il faut changer la RSE, c’est ça le parti pris du livre”. C’est ainsi que Fabrice Bonnifet, président du Collège des Directeurs du Développement Durable commence sa présentation du nouveau projet de l’organisation, un livre. Intitulé “Les 101 mots de la Responsabilité Sociale des entreprises à l’usage de tous” et publié par les éditions Archibooks*, le livre a réuni 101 auteurs, principalement des directeurs du développement durable dans des entreprises privées, mais aussi quelques chercheurs et ingénieurs, qui ont donné leur définition des mots clé de la responsabilité sociale des entreprises.
Objectif de cette publication selon Fabrice Bonnifet : rassembler “101 mots pour faire réfléchir, inciter, bousculer et surtout pousser à construire” une nouvelle réalité pour la responsabilité sociale des entreprises, à l’heure où celle-ci est encore trop souvent un catalogue de “beaux discours”. Le constat est clinique : “La RSE, ça fait 30 ans qu’on fait ça, et on fonce toujours droit dans le mur…” s’agace Fabrice Bonnifet. “On fait des ajustements par-ci, par là, mais on continue à détruire les écosystèmes en restant focalisés sur les profits à court terme.”
La RSE est un “hold-up”
Pour Genevièvre Férone-Creuzet, fondatrice de la société de recherche et de conseil Prophil et co-autrice, la RSE est même un “hold-up”, qui a consisté à confisquer une aspiration puissante à transformer les fondements de nos systèmes économiques, en exercice de conformité vide et en “obligation de dire, sans obligation de faire.” Le livre, explique le président du C3D, a été conçu pour “remettre l’église au milieu du village” et sortir la RSE de son jargon habituel, trop consensuel, trop peu transformatif. L’idée : mettre enfin les bons mots sur ce que devrait être la RSE et la transformation durable des entreprises. Parmi cette centaine de mots on trouve ainsi les notations de radicalité, adaptation, frugalité, limites planétaires, soutenabilité forte ou encore décroissance.
Radicalité, car la RSE doit selon le C3D, contribuer à prendre enfin “les problèmes écologiques et sociaux à leur racine”, et changer profondément la mécanique du système économique. Repenser les business models, changer la notion de performance, questionner la valeur des productions économiques au-delà de leur aspect financier. Et pourquoi pas organiser nos économies vers la post-croissance ? Adaptation, car les changements écologiques sont tels que nous devrons quoi qu’il en soit transformer nos modes de vie, nos villes, nos usages, pour que nos sociétés restent vivables. Soutenabilité forte, car le livre invite à prendre la RSE comme un levier pour “donner la priorité au capital naturel, sans lequel il n’y a pas de capital économique”, explique Fabrice Bonnifet.
Changer les imaginaires de la RSE
Bien-sûr, les mots attendus du lexique de la RSE sont présents tout au long de l’ouvrage : la CSRD (directive européenne sur le rapport de durabilité), la comptabilité et le reporting, expliqués par le chercheur et expert Alexandre Rambaud, l’évaluation des risques de transition, le devoir de vigilance, la taxonomie ou encore le bilan GES (gaz à effet de serre)… Mais comme l’explique Magali Payen, co-fondatrice d’On est Prêts et présidente d’Imagine 2050, l’une des co-autrices du livre, il s’agit surtout de mettre l’accent sur “un nouveau champ lexical, nécessaire pour imaginer le nouveau monde qu’il faut créer face aux crises écologiques et sociales” : “prendre soin”, “dépollution”, “coopération”, “bien commun”.
Il faut ainsi changer les imaginaires de la RSE. L’ambition paraît plus que jamais d’actualité, alors que la RSE semble passer au second plan dans les priorité de nombreux dirigeants, et que les crises sociales et écologiques continuent de s’aggraver jour après jour. Le livre ne dit pas si les auteurs de ces 101 mots, souvent dirigeants d’entreprise ou directeurs RSE, ont réussi le pari d’une RSE transformative dans leurs propres organisations. Mais l’état général de l’économie et du secteur de la durabilité laisse penser qu’ils ont eux aussi encore du chemin à parcourir.
*Une partie des bénéfices des ventes du livre seront reversés à l’association Banlieues Climat, selon Fabrice Bonnifet.