Scandales en cascade pour Nestlé Waters. Mediapart vient de révéler qu’une enquête était ouverte contre la filiale du géant de l’agro-alimentaire qui commercialise ses eaux et boissons embouteillées, accusée d’avoir puisé de façon illégale de l’eau dans plusieurs forages dans l’est de la France, et ce depuis 1992.
Selon Mediapart, l’entreprise aurait ainsi capté près de 19 milliards de litres d’eau dans neuf forages au profit des eaux Contrex et Vittel. Le parquet d’Epinal a confirmé avoir ouvert une enquête préliminaire, qui s’ajoute à celle déjà ouverte en janvier contre l’entreprise, accusée de tromperie pour avoir fait subir des traitements illégaux à ses eaux minérales.
Des forages exploités sans autorisation
Plusieurs associations, dont notamment France Nature Environnement et le collectif eau88 avaient porté plainte dès 2020 contre Nestlé pour l’exploitation illégale de ces forages, dans une nappe phréatique surexploitée. Depuis, l’enquête avait été classée sans suite, avant d’être finalement rouverte par le procureur d’Epinal en 2022. Entre-temps, les forages concernés avaient notamment été identifiés dans un rapport de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), commandité par le parquet d’Epinal, qui a constaté qu’ils n’avaient jamais bénéficié des autorisations nécessaires. Le rapport d’enquête de l’OFB indique également que huit autres forages seraient également “juridiquement fragiles” et signale “un écart significatif entre les éléments portés à la connaissance des services de l’État et la situation effective du patrimoine de l’industriel”.
Contacté par Novethic, Nestlé affirme de son côté que tous les forages du groupe sont “connus, identifiés et autorisés par l’administration”. Nestlé a en effet obtenu des autorités, suite à une demande de régularisation déposée en 2019, des autorisations préfectorales pour l’ensemble de ses sites. Mais l’entreprise concède que des “éléments administratifs d’il y a plusieurs dizaines d’années sont en cours d’évaluation par le procureur d’Epinal” et admet ne pas disposer de “toutes les informations relatives à cette époque ancienne”. S’il s’avère, comme l’indique l’OFB, que l’entreprise ne disposait pas des autorisations nécessaires à cette époque, cela constituerait un délit et une violation du code de l’environnement.
Le modèle Nestlé Waters, de crise en crise
Cette controverse s’ajoute à celles qui frappent depuis des mois Nestlé Waters. L’entreprise a notamment admis avoir commercialisé des eaux minérales en bouteille qui avaient été soumises à des filtrations et traitements illégaux, analogues à ceux utilisés pour l’eau du robinet. Mediapart révélait il y a quelques jours que ces traitements auraient été utilisés pendant près de 15 ans pour pallier les contaminations des eaux de la nappe, permettant à l’entreprise de commercialiser une eau non-conforme aux réglementations de l’eau minérale naturelle, pour un montant de près de 3 milliards d’euros de ventes illégales. Une enquête avait également été ouverte, cette fois pour fraude et tromperie. Sur ce sujet, Nestlé assure à Novethic que “la composition minérale unique de [ses] eaux minérales a toujours été préservée, et aucun traitement chimique n’a jamais été utilisé” et réfute “formellement les chiffres relayés par Mediapart.”
Mais c’est le modèle global de Nestlé Waters qui semble aujourd’hui durablement fragilisé. Cette année, les contaminations s’étaient également multipliées sur les sites d’exploitation d’eau du groupe, notamment ceux de sa marque Perrier dans le sud-est de la France. Contaminations bactériennes et chimiques, favorisées par les intempéries, avaient obligé l’entreprise à détruire près de 2 millions de bouteilles de Perrier. L’an dernier, deux autres forages de la marque Hépar avaient quant à eux été stoppés à cause de la sécheresse et du réchauffement climatique. Confrontée à la dégradation de la ressources en eau, à sa raréfaction, et à la dégradation des conditions climatiques et écologiques, l’entreprise semble donc accumuler les difficultés pour maintenir sa production d’eaux minérales naturelles.