Assister à un débat politique de fond sur la transition écologique entre les principaux candidats aux élections européennes, c’est le pari lancé par Change Now, évènement organisé au Grand Palais Ephémère à Paris du 25 au 27 mars. Devant plusieurs centaines de personnes qui devaient rester neutres, sept représentants des principales listes ont débattu de leurs visions autour des grandes problématiques environnementales et de la capacité de l’Europe à les résoudre pendant une heure trente. Retransmis en différé sur France Info, animé par la journaliste Lucie Chaumette et le youtubeur Gaspard G, le débat a eu le mérite d’obliger les candidats à parler du fond et à synthétiser leurs propositions sur des sujets très concrètement posés par les deux animateurs.
Le défi était grand et seules trois têtes de liste l’ont relevé Marie Toussaint (Les Ecologistes), Manon Aubry (LFI) et François-Xavier Bellamy (LR). Clément Beaune, l’ancien ministre des transports, représentait la liste “Besoin d’Europe Majorité présidentielle”, Aurore Lalucq, la liste Parti Socialiste-Place Publique, Nicolas Bay, celle de Reconquête et Mathilde Androuët celle du Rassemblement National. Chacun d’entre eux a eu en tout 9 à 10 minutes de temps de parole. Très peu compte tenu de l’amplitude des sujets traités : l’eau, l’énergie, les transports, la lutte contre le changement climatique…
Temps minuté, petites phrases clash et effets de manche
Le débat a commencé avec l’agriculture, sujet devenu central compte tenu de l’ampleur de la crise dessinant une première ligne de fracture entre ceux qui défendaient le programme “De la fourche à la fourchette” prévu par le Pacte Vert, et ceux qui veulent que la PAC (Politique agricole commune) continue à financer l’agriculture productiviste et en font un bouc émissaire.
Paradoxalement, le Green Deal n’a été évoqué qu’à la marge tant il semble difficile de parler d’Europe et d’expliquer le rôle qu’elle peut jouer pour attaquer de front les crises environnementales qui conjuguent leurs effets. Le débat aura au moins légitimé la nécessité d’aborder des thèmes aussi sérieux que l’agriculture, l’eau ou le changement climatique dans le discours politique. En revanche, il a aussi montré la difficulté pour les politiques de tous bords d’utiliser le cadre actuel de la politique – temps minuté, petites phrases clash et effets de manche – pour être crédibles et pédagogues sur la transition écologique.
Seul Nicolas Bay de Reconquête a utilisé ce cadre pour lancer des diatribes anti-immigration résumant la crise de l’eau à Mayotte à la pression migratoire alors que la sécheresse est responsable de cette situation dramatique. Les participants ont globalement compris l’ampleur des crises environnementales qui sont, par nature, différentes d’un territoire à l’autre. La situation dramatique des territoires d’Outre-Mer sur l’eau, en particulier en Guadeloupe où les coupures sont très fréquentes et les canalisations fuient massivement, a ainsi pu être évoquée.
Limites planétaires, A69 et nucléaire
Sur tous les sujets, il était assez facile d’identifier les lignes de fracture. D’un côté, se dessine un axe pro-nucléaire et anti-normes environnementales, de droite et d’extrême-droite que François-Xavier Bellamy, actuel député européen incarnait dans une version où tout le poids est mis sur la décarbonation et l’augmentation des prix du carbone. De l’autre, un axe pro énergies renouvelables, intégration des limites planétaires et limitation drastique des pollutions, porté par trois femmes aux tonalités différentes : Marie Toussaint pour Les Ecologistes qui voudrait que la “Dounut Economy” devienne la boussole européenne, Manon Aubry, pour LFI, qui voudrait en finir avec les lobbies industriels et nationaliser les services de l’eau et Aurore Lalucq, pour le Parti Socialiste-Place Publique, qui appelle à la taxation des plus riches. Clément Beaune se situait entre les deux, pro-nucléaire et pro énergies renouvelables, pro grand plan européen d’investissement ou d’emprunt et anti-taxation.
Sur deux sujets, le naturel – batailles de mots où chacun tente de couvrir la voix de l’autre – est revenu au galop : l’A69 et le nucléaire. Dans le premier cas, le soutien de Carole Delga, la présidente socialiste de la région Occitanie au projet a été reproché à Aurore Lalucq, porte-parole de la liste Parti socialiste-Place Publique portée par Raphaël Glucksmann. Elle a défendu ses positions écologistes rappelant en particulier que le maintien du modèle d’agriculture intensive était absurde puisqu’on “ne peut pas produire plus sur un sol mort.”
C’est l’obsession tout nucléaire de Nicolas Bay qui a déclenché les foudres des uns et des autres tentant de lui expliquer qu’il était impossible de se contenter de cette énergie pour faire face aux besoins d’un pays comme la France. “Même un débat télévisé comme celui-ci finirait éclairer à la bougie avec une solution de ce type”, ont rappelé les candidats qui semblaient tous s’inquiéter, peu ou prou, de la lenteur du démarrage du programme nucléaire qui ne serait pas prêt avant dix ans au moins.
Le débat aura-t-il donné envie à ses auditeurs d’aller voter ? Pour les défenseurs du Green Deal, pas sûr. Malgré la présence de cinq députés européens sur le plateau, il n’a pas vraiment été au cœur du débat. C’est bien le cœur du problème. L’Europe a un programme environnemental que peu d’électeurs potentiels connaissent parce que très rares sont les élus et les candidats qui le portent politiquement.