Fleuron déchu. Voici comment pourrait être qualifié le groupe Volkswagen qui faisait encore des compagnes de pub en 2023 avec le slogan “C’est si facile d’être fier d’une Volkswagen”. Mais en ce mois de septembre 2024, la fierté n’est plus de mise. Le constructeur allemand cumule les déboires entre d’un côté, l’ouverture du procès de son ancien dirigeant, Martin Winterkorn, à Brunswick à la suite du Dieselgate, l’affaire des logiciels truqués qui a plongé le groupe dans une spirale infernale, et de l’autre, l’annonce par son dirigeant actuel, Olivier Blume, d’un plan d’austérité lié à la baisse des ventes de voitures. La chute de Volkswagen montre qu’il est temps de s’inquiéter pour l’avenir de l’industrie automobile allemande.
Depuis plus de dix ans les alertes se multiplient sur l’essoufflement du modèle qui a fait la fortune des constructeurs automobiles à partir des années 60 : la vente massive de modèles de voitures toujours plus sophistiqués et plus puissants. Pour encourager les utilisateurs à en changer, on sort très régulièrement de nouvelles gammes, supposées combler le désir de l’automobiliste. Ça c’était avant le Dieselgate, quand la voiture était encore un signe extérieur de richesse et que les pollutions massives liées aux particules fines et les contributions au réchauffement climatique n’étaient pas prises en compte.
Partie émergée de l’iceberg
Depuis, la voiture électrique a émergé et le diesel a commencé sa lente désaffection au bénéfice de l’essence sans plomb. Posséder une voiture est devenue une source onéreuse de complications dans les villes et un attribut beaucoup moins séduisant pour les conducteurs les plus jeunes, surtout s’ils habitent dans une zone où la voiture n’est pas indispensable. Ces perspectives négatives auraient dû amener les constructeurs à investir dans la mobilité durable, de Blablacar au Vélib’, en passant par la location, mais ils ont, au contraire, fait le choix de lutter autant que possible contre les réglementations environnementales ou de faire semblant de les respecter.
En 2015, l’ONG Transport & Environment, à l’origine du Dieselgate, a démontré en faisant des tests en conditions réelles d’utilisation que les constructeurs trichaient. Ils faisaient circuler des milliers de véhicules “sales” en prétendant qu’ils étaient “propres” parce que conformes aux règlementations européennes. Volkswagen a été le premier montré du doigt pour avoir organisé à haut niveau l’installation de logiciels truqués dans plus de 11 millions de voitures. Mais pour l’ONG, il n’est que la partie émergée de l’iceberg en train de fondre qu’est le secteur automobile.
Le procès de l’ex-PDG de Volkswagen, jugé depuis le 3 septembre, devrait montrer en quoi ce type de dirigeants aggravent une situation déjà périlleuse. Martin Winterkorn a piloté le groupe de 2007 à 2015 multipliant par près de deux le nombre de voitures vendues (de 6,2 millions à plus de 10 millions par an) et le nombre de salariés (de 330 000 à 600 000). Il gouvernait avec une poigne de fer et paye aujourd’hui les mensonges réels ou supposés sur son degré d’information concernant l’installation des logiciels. Il dit l’avoir appris au dernier moment mais aurait cherché à étouffer l’affaire qui a éclaté aux Etats-Unis à l’été 2015, compte tenu des risques financiers et de réputation que cela entrainerait pour le groupe. Ses efforts ont été vains puisque l’entreprise a dû payer jusqu’à 30 milliards de dollars dans des transactions judiciaires pour financer remboursements et dédommagements, aux Etats-Unis pour l’essentiel mais aussi en Grande-Bretagne comme en Europe où clients et actionnaires ont uni leurs forces pour demander des dédommagements.
“Dirty money”
Près de dix ans plus tard, le groupe se désolidarise de son ancien dirigeant estimant qu’il n’est pas impliqué dans ce procès qui est celui d’un homme et de son mode de gouvernance. Il a d’autres problèmes à régler. Olivier Blume, qui dirige Volkswagen depuis 2022, vient d’annoncer un plan d’économies qui, pour la première fois, depuis près de cent ans, pourrait amener des licenciements secs et la fermeture d’au moins une usine en Allemagne. Les syndicats sont vent debout contre ce qu’ils considèrent comme une rupture des accords négociés, rendant quasi impossible le licenciement des salariés.
Volkswagen emploie toujours 300 000 personnes en Allemagne alors qu’il vend une voiture sur trois en Asie. Du coup, le groupe voudrait déplacer ses unités de production et, en avril dernier, a investi 2,7 milliards d’euros sur une nouvelle plateforme de production en Chine. L’idée d’Olivier Blume, qui y a fait ses études, est “de produire en Chine pour les Chinois” afin de redonner de l’attractivité à la marque Volkswagen. Une fuite en avant qui ne résout pas son problème de fond : retrouver confiance et crédibilité. De grands investisseurs suédois et britanniques bataillent juridiquement pour obtenir des engagements climatiques crédibles. Ils ont lancé, en juin 2022, une procédure pour demander des informations sur le lobbying de Volkswagen concernant le changement climatique. En 2023, ils ont tenté de déposer une résolution toujours sur le même sujet et ont été déboutés. L’AG de Volkswagen a toutefois été très agitée, perturbée par des activistes qui brandissaient le slogan “Dirty money”, dénonçant à la fois les problèmes environnementaux et la situation des droits sociaux en Chine. En cinq ans, Volkswagen a perdu plus d’un tiers de sa capitalisation boursière.