Ryanair pourrait fermer ses opérations dans 10 aéroports régionaux français. C’est la menace formulée par la compagnie low-cost face au projet d’augmentation de la taxe sur les billets d’avion proposée dans le budget 2025 du gouvernement Michel Barnier. Le gouvernement envisage en effet d’augmenter la TSBA, Taxe de Solidarité sur les Billets d’Avion, qui passerait de 2,63 à 9,50 euros pour les vols domestiques et européens. Une hausse qui a suffi pour déclencher la vive réaction de Ryanair.
Par communiqué, la compagnie, première en termes de passagers transportés en Europe, a ainsi déclaré “revoir ses programmes français” et “s’attend à réduire la capacité depuis et vers les aéroports régionaux français jusqu’à 50 % à partir de janvier 2025 si le gouvernement français poursuit son projet“.
Privilégier des pays sans taxe sur l’aviation
La compagnie n’a pour l’instant pas révélé quels aéroports seraient concernés parmi les 22 aéroports sur lesquels opère Ryanair en France, mais les coupes visent probablement ceux situés hors de l’Île-de-France (en excluant donc ceux de Beauvais et Vatry). Dans le passé, Ryanair a déjà mis à exécution des menaces similaires, en quittant temporairement l’aéroport de Marseille ou en mai celui de Bordeaux, pour faire pression sur les directions des aéroports. L’entreprise vient d’ailleurs d’être condamnée par le tribunal des référés de Bordeaux, pour n’avoir pas respecté le droit du travail lors de la fermeture de ses activités sur l’aéroport de Bordeaux-Mérignac.
En Europe, la France n’est pas le seul pays ciblé par les menaces du groupe aérien. Il y a deux semaines, la compagnie avait aussi annoncé sa volonté de réduire de près de 10% ses activités au Royaume-Uni, qui envisage lui aussi d’augmenter ses taxes sur les billets d’avion dans le contexte de redressement budgétaire. “À la place, nos avions iront dans des pays comme l’Espagne et la Pologne où il n’y a pas de taxe sur l’aviation ou l’Italie, la Hongrie et la Suède qui les ont abolies”, explique Jason McGuinness, directeur général de la compagnie irlandaise, qui considère qu’il est désormais trop cher d’opérer dans certains aéroports français.
Le débat sur la fiscalité sur l’aviation
La présence de Ryanair dans les aéroports du pays est pourtant très largement subventionnée par des aides de l’Etat ou des collectivités, comme l’ont analysé plusieurs rapports de la Cour des Comptes depuis 15 ans. Une enquête du Parquet National Financier avait d’ailleurs été ouverte l’an dernier, pour soupçons de détournement de subventions publiques au bénéfice de Ryanair à l’aéroport de la Rochelle, tandis que la Chambre régionale des Comptes avait étrillé les ristournes et subventions publiques accordées à la compagnie à l’aéroport de Beauvais. Selon une étude de l’association Transport&Environnement, près de 25% des activités de la compagnie dans les aéroports européens seraient même déficitaires si elles n’étaient pas lourdement subventionnées par les fonds publics ; c’est notamment le cas pour une quinzaine d’aéroports français, pour lesquels l’entreprise a perçu au total des dizaines de millions d’euros de subventions.
L’annonce de Ryanair, l’une des compagnies les plus polluantes du continent européen, a en tout cas de quoi relancer le débat sur la fiscalité sur l’aviation dans un contexte de transition écologique. Alors que certains pays, comme la France, l’Allemagne, l’Autriche, le Royaume-Uni ou encore la Norvège, mais aussi les Etats-Unis ont mis en place des taxes ou éco-taxes sur les billets, ce n’est pas le cas de tous les pays, y compris au sein de l’Union Européenne. Ce type de taxes sur l’aviation est pourtant décrit par de nombreuses études d’experts, dont notamment celles du Réseau Action Climat ou de Transport&Environnement, comme un levier pour augmenter les recettes budgétaires de l’Etat et contribuer à la transition écologique et à la justice sociale. Transport&Environnement plaide ainsi depuis plusieurs années pour la hausse des taxes sur l’aviation dans l’Union Européenne, et pour une harmonisation des pratiques dans ce domaine. Une harmonisation qui compliquerait évidemment les délocalisations à vocation fiscale des compagnies aériennes.
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