Pour la première fois, plusieurs fonds de pension entament une action juridique en Europe contre une entreprise à propos de sa communication sur le changement climatique. Elle est motivée par ce qu’ils appellent le double discours de Volkswagen. Les fonds de pension britannique, suédois et danois qui l’attaquent, estiment que le constructeur automobile défend publiquement la lutte contre le changement climatique, la transition verte et l’électrification massive des voitures, et fait en même temps le contraire à travers ses activités de lobbying dans des associations professionnelles.
Les investisseurs responsables ont déposé plainte devant un tribunal allemand en application de la loi sur les entreprises allemandes cotées, après le refus de Volkswagen d’inscrire à l’ordre du jour de son Assemblée générale 2023 une résolution d’actionnaires sur le climat. Ils sont soutenus par l’ONG spécialisée Client Earth.
Adam Mathews, directeur de l’investissement responsable du fonds de pension de l’église d’Angleterre explique ainsi l’action collective sur LinkedIn : “Malgré nos demandes répétées, VW ne parvient pas à démontrer que le lobbying financé par l’entreprise par le biais de ses adhésions à des associations industrielles est aligné sur ses objectifs climatiques. Nos efforts d’engagement pour inciter l’entreprise à adopter les meilleures pratiques de l’industrie n’aboutissant pas, nous nous tournons vers les tribunaux pour amener VW à faire ce qu’il faut. Ce n’est pas une demande déraisonnable et c’est une démarche que beaucoup de leurs pairs dans le secteur automobile et dans les sociétés cotées allemandes ont déjà franchie. C’est pour cela que le refus de parler climat avec leurs actionnaires crée de sérieux doutes sur leur stratégie”.
Un risque majeur pour la stratégie de Volkswagen
L’objectif poursuivi par la coalition d’investisseurs est d’obtenir plus de transparence et un reporting de meilleure qualité des entreprises allemandes en général et pas seulement de Volkswagen. Mais pour le constructeur allemand, à qui le Dieselgate a déjà couté plus de 30 milliards d’euros, être attaqué sur ses allégations climatiques est un risque majeur. Il a basé sa stratégie de reconquête sur la compétition avec Tesla et l’électrification massive de tout son parc, y compris pour Porsche, devenue la locomotive du groupe depuis l’introduction en bourse de la marque.
Or si l’action des investisseurs décrédibilise cette politique, Volkswagen pourrait replonger. L’action a perdu la moitié de sa valeur entre juin 2021 et octobre 2022. La cotation de Porsche était supposée inverser la tendance mais le titre, qui a été introduit en bourse fin septembre à 82,50 euros, ne valait plus que 57,52 euros le 21 octobre.
La marque reste une cible symbolique forte pour les ONG environnementales. En Allemagne à Wolfsburg, des scientifiques membres du collectif Scientist Rebellion se sont collés à l’intérieur du Musée Porsche pour appeler le groupe au verdissement de l’offre automobile.
Le gestionnaire du musée a décidé de les laisser 42 heures sans chauffage, ni accès aux toilettes avant de prévenir la police. L’un d’entre eux, le chercheur en sciences sociales, Gianluca Grimalda qui a mis sa santé en danger pour cette action, explique ainsi la démarche envers le groupe Volkswagen.
Les activistes de Scientist Rebellion ciblent les secteurs économiques qu’ils veulent transformer, l’industrie automobile comme les banques, à la différence de ceux qui jettent de la nourriture sur les tableaux célèbres.
Peter Kalmus, le scientifique qui travaille pour la Nasa et s’est enchaîné à JP Morgan Chase en avril dernier, écrivait sur Twitter le 23 octobre : “nous avons essayé tant de choses pour alerter les gens sur cette urgente menace de destruction irréversible de la planète terre et RIEN n’a marché. À tous ceux qui sauraient mieux que nous quoi faire, allez-y. Nous attendons“. L’action entamée par les fonds de pension, portée par des actionnaires du groupe Volkswagen, devrait l’aider à se sentir moins seul et impuissant.■