“Il a fait près de 43 °C aujourd’hui, en France. Ce n’est plus de la météorologie : c’est l’enfer.” La formule choc de l’agroclimatologue Serge Zaka, postée le dimanche 10 août, résonne comme un constat d’urgence. Depuis plusieurs jours, les records de chaleur se succèdent, intensifiés par la crise climatique. Dans ces conditions, la routine estivale des voyageurs se transforme vite en parcours du combattant.
Le vendredi 8 août, au cœur du chassé-croisé des vacanciers, la SNCF a annoncé la suppression de plusieurs liaisons Intercités, dont Paris-Limoges-Toulouse et Bordeaux-Marseille. “On est sur du matériel qui a 40, 50 ans. Il n’est pas en capacité de résister à de telles pressions climatiques”, explique à Novethic Fabrice Chambelland, secrétaire général adjoint de la CFDT Cheminots. L’entreprise invoque la sécurité et la protection des voyageurs les plus fragiles.
Un risque de vulnérabilité particulièrement élevé
En première ligne : les voitures Corail, dont la climatisation, malgré des contrôles renforcés, n’offre pas la même résistance que celle des rames plus récentes. Dans un train non climatisé, la température intérieure peut dépasser 50 °C, mettant en danger passagers et personnels. “La SNCF a une responsabilité, il faut prendre la juste décision si on considère que les voyageurs les plus fragiles peuvent être en difficulté”, juge Fabrice Chambelland.
Mais le problème ne se limite pas au matériel roulant. Les infrastructures souffrent. Les rails, composés d’acier, se dilatent sous l’effet de la chaleur et risquent de se déformer. Les caténaires qui permettent d’alimenter en électricité les trains sont, elles, composées de cuivre. Le risque est important : “Les contrepoids qui régulent la tension de la caténaire (le fil électrique d’alimentation des trains), pourraient toucher le sol ce qui provoque alors la détente du fil de contact et l’arrachement de la caténaire par le pantographe des trains”, explique Fabrice Chambelland. Pour éviter tout accident, la SNCF a imposé un ralentissement sur certaines lignes TGV. Conséquence : retards en cascade et correspondances ratées.
“Le risque de vulnérabilité est particulièrement fort car les infrastructures extérieures de la SNCF couvrent tout le territoire”, analyse Thibault Laconde, ingénieur spécialiste des risques climatiques et président de Callendar. “Les voies traversent des zones côtières exposées à la submersion, des massifs forestiers menacés par les incendies, et des plaines sujettes à la sécheresse”, décrypte-t-il.
“C’est à l’Etat d’investir”
Face à cette situation, la SNCF s’est mise en ordre de marche pour adapter son réseau. Elle travaille sur un scénario tablant sur une augmentation de 4°C de température d’ici la fin du siècle. “Nous remplaçons les composants du réseau ferré par des composants plus résilients à l’occasion des opérations de régénération prévues, et lançons également des travaux de grande ampleur ou des ajustements ciblés (climatisation des installations électriques, peinture blanche, etc)”, peut-on lire sur son site internet.
Mais adapter des milliers de kilomètres de voies, renouveler le matériel roulant et protéger les voyageurs est un chantier colossal qui demande des moyens financiers importants. “C’est à l’Etat d’investir pour faire rouler les trains dans de bonnes conditions et adapter le réseau ferroviaire aux dérives climatiques”, appelle le syndicaliste.
Les températures des prochains jours ne devraient pas permettre de relâcher la pression. La vague de chaleur devrait se poursuivre jusqu’à la fin de la semaine, selon Meteo France, avec un pic ce lundi 11 et mardi 12 août. Des épisodes extrêmes qui questionnent la capacité du rail français à tenir le rythme du réchauffement.