Le géant mondial de l’acier rattrapé par la justice. Lundi 24 mars, ArcelorMittal a été mis en examen pour “mise en danger de la vie d’autrui” et “faux et usage de faux” pour pollution industrielle dans la région de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, a indiqué le parquet de Marseille, confirmant une information de Médiapart.
Dans la foulée, le groupe a été placé sous contrôle judiciaire avec une caution de 250 000 euros et la constitution d’une garantie bancaire de 1,7 million d’euros, a précisé à l’AFP le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone. Installé dans la zone industrialo-portuaire de Fos, ArcelorMittal était poursuivi par quelque 300 riverains et associations pour avoir exposé la population de la région à des rejets de polluants au-delà des seuils légaux. L’entreprise est également accusée d’avoir commis ces infractions en falsifiant des relevés sur la quantité de polluants rejetés.
Des accusations rejetées par ArcelorMittal
Du côté des plaignants, cette décision a été saluée. “Nous nous félicitons de cette bonne nouvelle”, a réagi auprès de l’AFP leur avocate, Me Julie Andreu. “On ne s’attendait pas au début à ce que ce soit aussi énorme. Je suis satisfait que la justice ait fait son travail jusqu’au fond”, a également déclaré de son côté Daniel Moutet, président de l’Association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos (ADPLGF), à l’origine de la plainte collective déposée en 2018. “Arcelor a caché des informations, falsifié des documents. Au delà du CO2, leurs émissions contenaient du benzène, des particules fines, du plomb, du cadmium -tous classés cancérogènes et mutagènes-, mais aussi des agents toxiques comme des oxydes d’azote ou du dioxyde de soufre”, affirme-t-il. “On comprend pourquoi il y a autant de cancers dans notre région, trois fois plus qu’ailleurs, ce n’est pas pour rien !”, ajoute-t-il.
ArcelorMittal affirme quant à lui, par communiqué de presse, “coopérer pleinement avec les autorités” mais “conteste fermement les accusations”. Le groupe “a investi depuis 2014 plus de 735 millions d’euros afin notamment de moderniser ses installations ou d’innover pour réduire des niveaux d’émissions dont les seuils normatifs sont toujours plus exigeants”, détaille le groupe. “Ces actions lui ont permis de réduire de 70% les émissions atmosphériques de ce site par rapport à 2002”, précise-t-il.
ArcelorMittal déjà condamné
Et ce n’est pas la première fois que le groupe est épinglé pour pollution. En 2021, le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence avait déjà condamné ArcelorMittal à verser 30 000 euros de dommages et intérêts à France Nature Environnement. Les trois plaignants, des fédérations d’associations de protection de la nature (FNE, FNE Paca et FNE Bouches-du-Rhône), accusaient déjà le géant de l’acier de “porter gravement atteinte à l’environnement et notamment à la qualité de l’air et à la santé des riverains”. L’entreprise avait été à plusieurs reprises mise en demeure par les autorités entre 2013 et 2018 pour des dépassements, notamment pour le benzène (jusqu’à dix fois la valeur d’émission autorisée) ou les poussières (avec un dépassement de quasi 100 %), rappelle FNE.
Selon un document récent, le site de Fos, qui possède une capacité de production de plus de 4 millions de tonnes d’acier par an, “produit entre 2 et 3,5 mt/an selon les besoins du marché, et ses émissions directes de CO2 ont atteint en moyenne 5,6Mt/an sur les cinq dernières années”. ArcelorMittal Méditerranée, qui dit vouloir “réduire ses émissions de CO2 de 35% d’ici 2030 pour atteindre zéro émission directe ou liée à l’énergie d’ici 2050”, emploie aujourd’hui environ 2 400 salariés et 1 100 sous-traitants à Fos-sur-Mer, dont il est le principal employeur.
C’est l’une des deux usines du groupe en France, avec celle de Dunkerque (nord de la France) — le plus important site d’ArcelorMittal en Europe —, à compter des hauts-fourneaux. En septembre 2024, le groupe avait, dans le cadre de sa stratégie de décarbonation, inauguré une quatre-poche électrique à Fos, permettant d’augmenter l’utilisation de l’acier recyclé et de réduire les émissions de CO2 de près de 10 %. ArcelorMittal a depuis annoncé suspendre ses projets d’investissements colossaux dans la décarbonation en Europe, et notamment la construction d’un four à arc électrique à Dunkerque, dans l’attente de mesures de soutien de l’UE.