“Sauf bifurcations majeures, la Méditerranée — en tant que mer et région — sera, d’ici à 2050, dans une situation bien plus alarmante qu’aujourd’hui.” Cette conclusion résume le dernier rapport du Plan Bleu, publié le 16 janvier. Créée en 1977 et mandatée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, l’association alerte sur l’avenir de la région. Ce rapport, prévient son président Guillaume Sainteny, n’est ni un simple “état des lieux” ni une “prévision”, mais un travail de prospective approfondi, destiné à éclairer les défis à venir. Et ils sont nombreux.
🌊 [NEW REPORT MED2050] Plan Bleu has released MED2050 : “The Mediterranean by 2050 : Foresight by Plan Bleu” report in its french version, exploring sustainable futures for the Mediterranean by 2050. 👉Check it out here : https://t.co/ZEmTvJ2ES8#Mediterranean #Sustainability pic.twitter.com/RWhjCjPHsT
— Plan Bleu (@planbleu) January 16, 2025
La Méditerranée, “après l’Arctique, est la région du monde qui se réchauffe le plus vite, 20% de plus qu’ailleurs“, rappelle le vice-président du Plan Bleu et co-auteur du rapport, Jacques Theys. Selon ces experts, la hausse des températures devrait atteindre 2,3°C par rapport à l’ère préindustrielle dès 2050. Il y a 20 ans, lors de la publication de leur premier rapport, ce seuil était prévu pour 2100. Cette accélération aura inévitablement des conséquences, telles que des sécheresses, des inondations et des vagues de chaleur, tant terrestres que marines. D’ailleurs, la température de l’eau augmentera également de 1,2°C. Cela “s’accompagnera périodiquement de vagues de chaleur marine aux effets dévastateurs pour la faune et la flore marines”, peut-on notamment lire dans ce rapport.
Une deuxième tendance, et non des moindres, pèse sur la Méditerranée : sa croissance démographique. Non seulement cette région concentre aujourd’hui “60 % de la population mondiale pauvre en eau”, mais sa population totale devrait augmenter de 20 à 30% d’ici 2050, atteignant ainsi 630 à 690 millions d’habitants, contre 520 millions actuellement. À cela s’ajoute la hausse du niveau de la mer, estimée à 40 cm d’ici 2050, ce qui posera de “graves problèmes de protection des côtes et des populations dans les prochaines décennies”.
Éclairer les décideurs politiques
Une fois le constat posé, que faire d’ici à 2050 ? Six scénarios ont été élaborés pour répondre à cette question. Tous ont été conçus par une centaine de chercheurs issus d’une vingtaine de pays. Le scénario le plus noir est celui d’une “croissance à tout prix dans une Méditerranée éclatée”. Il met en lumière des conflits entre les pays et une dégradation continue de la biodiversité, voire la déstabilisation de la région méditerranéenne en raison de l’accumulation de catastrophes naturelles (méga-feux, inondations, stress hydriques, etc.).
Parmi ces six scénarios, l’un est jugé le plus “probable”. Il s’agit du scénario du “business as usual”, c’est-à-dire l’absence de changement par rapport aux pratiques actuelles. Cette inaction, notent les chercheurs, entraînera la dégradation progressive des écosystèmes, des conflits d’accès aux ressources et la marginalisation de la région sur les plans économique et géopolitique. Mais tout n’est pas sombre. Des leviers d’action sont encore possibles pour inverser la tendance. Un scénario envisage notamment la mise en place d’un partenariat euro-méditerranéen économique et écologique permettant à la région d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Ce scénario optimiste devrait être mis sur la table lors de la Troisième conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC), qui se tiendra en juin à Nice. En identifiant plusieurs marges de manœuvre, ce rapport doit être l’une des pierres angulaires de cette rencontre internationale. Car “si les problèmes continuent de s’aggraver, il n’y aura pas d’avenir durable en Méditerranée. Il faut des ruptures de politiques publiques beaucoup plus marquées”, assure Guillaume Sainteny, du Plan Bleu.