“Parisiennes, Parisiens, citoyennes, citoyens, félicitations, vous avez été tirés au sort !” Par courrier, une cinquantaine de Parisiens ont appris qu’ils avaient été choisis – parmi 10 000 citoyens présélectionnés – pour participer à la prochaine convention citoyenne organisée par la Mairie de Paris. Après deux premiers exercices autour des locations Airbnb et de la 5G, c’est cette fois-ci au tour de la Seine d’être au centre de cette expérience de démocratie participative.
Ce n’est clairement pas la première fois que le fleuve est mis à l’honneur. Sous le feu des projecteurs lors de la cérémonie d’ouverture des JO 2024, la Seine a accueilli quelques jours plus tard les athlètes olympiques dans ses eaux, rendues baignables. Mais la ville de Paris n’a pas souhaité s’arrêter là. Le 9 décembre 2024, un procès fictif s’est tenu au théâtre de la Concorde, opposant l’entreprise polluante “I Love Chimie” – elle aussi fictive – à la Seine. L’objectif : mettre en évidence la nécessité de lui conférer des droits afin de mieux la protéger.
Donner à la Seine une personnalité juridique
C’est bien de cette simulation d’audience que découle cette nouvelle convention citoyenne. À la barre, la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, avait expliqué que “la Seine doit pouvoir se défendre et se protéger”. “Nous ne sommes que des humains qui passons, la volonté que nous avons mise pour que la Seine soit propre pour les Jeux olympiques pourrait s’effacer avec d’autres. Il est important qu’indépendamment de la volonté des humains, la Seine puisse se défendre elle-même”, a-t-elle ajouté.
“Lui accorder des droits ouvrira un nouveau chapitre de son histoire qui perdurera aussi longtemps qu’elle ira de sa source à la mer”, explique la ville de Paris aux citoyens sélectionnés. Dès samedi, “ces membres représentatifs de la diversité des habitantes et habitants parisiens” vont devoir se familiariser pendant trois week-ends avec le sujet, afin d’en apprendre plus sur les usages et les enjeux liés à la Seine. Pour ce faire, ils seront accompagnés et aiguillés par une équipe d’experts et de scientifiques, comme le géographe Frédéric Gob ou la docteure en droit public Marion Chapouton. De même, les séances de travail seront organisées et animées par “des professionnels formés aux outils de la participation citoyenne”.
Au terme de ces premières sessions de travail, cette assemblée sera amenée à rédiger “un avis citoyen”, qui sera transmis à des experts juridiques avant d’être présenté à la maire et aux élus du Conseil de Paris. Ces derniers auront le dernier mot puisque le texte sera soumis au vote le 3 mai prochain. En parallèle de cette convention citoyenne parisienne, la ville de Rouen, elle-même traversée par la Seine, a décidé de s’y associer en menant une réflexion similaire.
Déjà des précédents dans le monde
La question des droits juridiques de la nature n’est pas nouvelle, mais elle est de plus en plus mise en avant en raison du changement climatique et des menaces qui pèsent aujourd’hui sur la biodiversité. Ce levier de protection est même déjà utilisé dans le monde. Les pionniers ont été l’Équateur. Les citoyens ont voté, par référendum en 2008, l’intégration des droits de la nature dans la Constitution. Dans une moindre mesure, le fleuve Whanganui, troisième plus long cours d’eau de Nouvelle-Zélande, s’est vu accorder le statut d’entité vivante en 2017. Et non loin de nous, la Mar Menor, une lagune du sud-est de l’Espagne, a obtenu le statut de personnalité juridique en 2022, une première en Europe.
Sur le territoire national, la Seine n’est pas l’unique fleuve qui fait aujourd’hui l’objet d’une réflexion autour de ses droits. En Corse, le fleuve Tavignano dispose depuis 2021 de sa propre “Déclaration des droits”, qui lui donne une personnalité juridique propre. Avec ce statut, les associations à l’origine de cette action souhaitaient donner au fleuve des droits fondamentaux comme “le droit d’exister, de vivre et de s’écouler”, ainsi que “le droit de ne pas être pollué”. Mais la Loire et le Rhône ne sont pas en reste, ils font déjà l’objet d’assemblées citoyennes, sans que toutefois aucune décision n’en découle pour le moment.