Publié le 1 septembre 2024

Voyager en illimité et à la dernière minute à travers le monde, voilà l’offre imaginée par la compagnie à bas coûts Wizz Air. Un programme qui permettrait, selon l’entreprise, de réduire l’intensité par passager des émissions de ses vols. Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent conte cette initiative qui est à contre-sens de la décroissance nécessaire du trafic aérien.

Les 10 000 abonnements se sont écoulés en seulement quelques heures. Le 13 août dernier, la compagnie aérienne hongroise Wizz Air a mis en vente une offre permettant à ses clients de voyager en illimité sur l’intégralité de ses liaisons en Europe, en Asie ou encore dans les pays du Golfe. Nommé “All you can fly”, soit “volez autant que vous le voulez”, ce programme coûte la modique somme de 599 euros pour une année. A ce prix s’ajoutent des frais à hauteur de 9,99 euros par réservation et plusieurs suppléments pour l’enregistrement des bagages, l’embarquement prioritaire ou encore le choix du siège.

A peine annoncée, l’opération qui s’inscrit dans le modèle très en vogue de l’économie de l’abonnement, a fait le tour des réseaux sociaux et des médias en quelques jours, attirant tout autant l’engouement des clients que les foudres des associations environnementales et des professionnels de la transition écologique. “Comment cela s’accorde-t-il avec leurs déclarations de soutien à l’objectif de 1,5°C de l’accord de Paris ?”, questionne le think tank britannique Green Alliance dans une série de publications sur le réseau X.

Un “projet irresponsable”

Tandis que Wizz Air s’engage à être “la compagnie la plus écologique”, son offre s’inscrit à contre-courant des multiples appels à réduire le trafic aérien, responsable de 2,5% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. “Nous sommes en train de battre des records de passagers avec près de 5 milliards de voyageurs cette année, bien au-delà du trafic enregistré en 2019”, rappelle Thibault Belin, chef de projet au sein du pôle d’expertise Transport de Carbone 4. Loin de la sobriété attendue afin d’inverser la courbe et faire baisser l’empreinte carbone du secteur, Wizz Air semble vouloir encourager ses clients à voyager de manière encore plus régulière.

“Ce type de projet irresponsable devrait être interdit dans le cadre d’un programme plus large visant à freiner les plans de croissance dangereux de l’industrie de l’aviation, y compris une taxe sur les grands voyageurs pour pénaliser plutôt que récompenser la consommation excessive de l’aviation”, avance auprès du média Politico Alethea Warrington, responsable de campagne au sein de l’organisation caritative Possible. Des inquiétudes balayées par la compagnie à bas coûts qui voit ao contraire dans cette opération un maillon de sa stratégie environnementale.

Disparités sociales

“Le nouveau produit contribue en fait à maximiser le taux de remplissage au cours des 72 heures précédant le vol. Un taux de remplissage élevé est un facteur d’efficacité essentiel et permet de réduire l’intensité des émissions [de gaz à effet de serre]”, a affirmé un porte-parole de la compagnie auprès d’Euronews. Les détenteurs du pass “All you can fly” devront en effet répondre à une contrainte majeure avant de pouvoir faire leurs bagages : ils ne pourront réserver leurs billets que trois jours maximum avant le vol.

Un argumentaire qui ne convainc pas Thibault Belin. “L’offre de Wizz Air ne permet pas d’optimiser le taux de remplissage avec la demande existante. Elle crée de nouveaux besoins en proposant des voyages en dernière minute auprès de personnes qui n’avaient pas prévu de prendre l’avion”, explique à Novethic le spécialiste. De fait, les vols sont remplis de manière artificielle, avec des passagers qui n’auraient certainement pas voyagé sans cet abonnement. “Cela n’a donc pas d’incidence sur le nombre de vols et les émissions dans l’absolu”, ajoute Thibault Belin. Au-delà du climat, le programme imaginé par l’entreprise hongroise renforce par ailleurs les disparités sociales, déjà très fortes dans l’aviation. Par son coût et son fonctionnement, le pass ne s’adresse pas aux ménages les plus modestes. Résultat : ce sont donc encore une fois les passagers les plus aisés, à l’origine de la plus grande part des émissions carbone, qui en profiteront.

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