Pour des aires marines “vraiment” protégées
C’est sans doute l’un des sujets qui concentrera le plus d’attention, notamment de la part de la France. Mis sous pression depuis plusieurs mois par les ONG – une plainte a été déposée auprès de la Commission européenne fin avril pour dénoncer les “pratiques de pêches destructrices telles que le chalut de fond” dans les aires marines protégées en France, Allemagne et Italie – le pays est accusé d’appliquer “une protection à la française” dans ses aires marines protégées (AMP) avec des critères qui ne sont pas alignés sur ceux définis au niveau international, notamment par l’UICN. Les ONG réclament l’interdiction du chalutage dans ces aires.
Sans attendre l’ouverture du sommet ce lundi 9 juin, Emmanuel Macron a annoncé une limitation du chalutage de fond dans les aires marines protégées. “Il y a des endroits où il faut limiter l’activité des chaluts, qui, en raclant le fond, vient perturber la biodiversité et des écosystèmes qu’il faut apprendre à protéger”, a déclaré le chef de l’Etat dans une interview avec plusieurs quotidiens de la presse régionale, dont Ouest-France, publiée samedi 7 juin. Emmanuel Macron a également annoncé un renforcement de la protection des AMP dans des “zones qui ont fait l’objet d’un consensus”, citant par exemple Port-Cros, dans le Var, les Calanques, près de Marseille, la Corse ou la façade atlantique. Des mesures qui peinent à convaincre les organisations environnementales. Elles dénoncent l’absence de mesures contraignantes pour protéger réellement la biodiversité dans ces zones. Signe que le sujet cristallise les tensions, la militante Claire Nouvian, qui s’oppose au chalutage, a été intimidée à son domicile à quelques jours de l’ouverture du sommet.
La protection des océans en mal de financement
Les États ne dépensent que 10% des sommes nécessaires pour atteindre l’objectif de protéger 30% des océans d’ici 2030, un objectif adopté en 2022 dans le cadre de l’Accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité. C’est le constat dressé par un consortium d’ONG jeudi 5 juin, en amont du sommet de l’Unoc. A peine 1,2 milliard de dollars par an est consacré aux efforts de protection des océans. Ce manque à gagner “représente à peine 0,5 % des budgets annuels de la défense au niveau mondial”, souligne Brian O’Donnell, directeur de Campaign for nature. Pour augmenter les financements, il a mis en avant la réorientation des subventions néfastes ainsi que la mobilisation de nouvelles sources de financements, telles que la mise en place de taxation sur le tourisme. Le Costa Rica, qui co-préside le sommet avec la France, a de son côté déclaré que l’on pouvait s’attendre à des engagements publics et privés à hauteur de 100 milliards de dollars, assortis de “calendriers, de budgets et de mécanismes de responsabilité clairs”.
Un projet de déclaration jugé “vide de sens”
Le projet de texte final, dont la nouvelle version a été publiée mi-mai, compte une trentaine de points et mentionne de nombreux engagements passés de la communauté internationale, comme l’Accord de Paris ou l’Accord de Kunming-Montréal qui prévoit de protéger 30% de la planète d’ici 2030 (objectif 30X30). Mais il ne fait toujours aucune mention d’une sortie des énergies fossiles, principales responsables du changement climatique.
Sur le plastique, il n’est pas non plus question d’engagement à réduire la production de plastique. Mais la France porte le projet d’une déclaration annexe qui devrait être signée par “plusieurs dizaines” de pays, afin d’“envoyer un message fort sur la réduction de la production” en amont de la reprise des négociations sur le traité plastique, selon l’entourage de la ministre de la Transition écologique. Sur l’exploitation minière des grands fonds marins, le projet de texte marque un recul puisqu’il ne souligne plus “l’importance d’une approche de précaution”. Alors que de nombreux pays plaident pour un moratoire, les Etats-Unis viennent de donner leur feu vert à un projet.
“Le texte actuel montre une fois de plus clairement que les gouvernements ne prennent pas au sérieux la protection des océans et se contentent de belles paroles sans apporter de réels changements en mer”, estime Megan Randles, cheffe de délégation de Greenpeace International à l’Unoc, citée dans un communiqué. “Sans une amélioration drastique de cette déclaration, la Conférence des Nations Unies sur les océans deviendra un forum de discussion vide de sens”, ajoute-t-elle.
Un sponsor gênant
C’est le principal sponsor de l’événement. L’armateur CMA-CGM dirigé par Rodolphe Saadé, un proche d’Emmanuel Macron, a mis 2 millions d’euros au pot. La compagnie maritime, la troisième la plus importante au niveau mondial dans le transport de marchandises, est en effet engagée dans la décarbonation du secteur et vise l’objectif de neutralité carbone à 2050. Mais elle mise pour cela sur le gaz naturel liquéfié (GNL), une énergie controversée car très émettrice au moment de son extraction et de son transport. En outre, comme le révélait Reporterre, le ministère de la Transition écologique a réservé à l’entreprise une place toute particulière dans ses communications. Dans une liste de recommandations de sujets en amont de la conférence, CMA-CGM apparaît à trois reprises. “Un traitement de faveur unique”, pointe la journaliste. En effet, aucune autre entreprise privée ne bénéficie d’une telle exposition.
Le bateau de Greenpeace écarté de la parade
Dans le même temps, Greenpeace France a quant à elle été carrément écartée de la parade inaugurale du 8 juin. L’ONG s’est vue notifiée par l’organisateur officiel (“Ocean wonders”) le refus d’y participer avec son navire MY Arctic Sunrise alors que l’organisation y avait été officiellement invitée. Il lui est reproché une action menée mercredi 21 mai durant laquelle elle a déposé 15 rochers de calcaire dans le parc marin du golfe du Lion pour y empêcher le chalutage de fond et dénoncer le manque d’action du gouvernement. “C’est une aberration”, réagit son directeur général, Jean-François Julliard. De son côté, le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher assure qu’“en dehors de ça, il n’y a pas de restriction pour la participation ni de Greenpeace ni d’aucune organisation de la société civile aux événements de l’Unoc”.