Publié le 28 novembre 2024

Dernière ligne droite pour les négociations sur un traité contraignant visant à réduire la pollution plastique, à Busan en Corée du Sud. Plus de 170 pays doivent trouver un accord d’ici dimanche 1er décembre, mais deux camps s’affrontent toujours sur la question de la réduction de production primaire de plastique.

Les négociations pour un traité mondial contre la pollution plastique sont trop lentes et doivent être accélérées “de manière significative”, a averti le chef des pourparlers à Busan, Luis Vayas Valdivieso, en Corée du Sud, à quelques jours de la date butoir pour un accord. Les représentants de plus de 170 pays planchent depuis lundi 25 novembre sur le texte d’un premier traité contraignant destiné à combattre le fléau de la pollution plastique. Après deux ans de négociations, ils ont jusqu’à dimanche 1er décembre pour s’entendre. Si tous s’accordent à reconnaître la gravité du problème, les avis divergent radicalement sur la façon de le combattre.

Une majorité de pays demande un traité couvrant l’ensemble du “cycle de vie” du plastique, de la production aux déchets. Ils militent pour des objectifs contraignants de réduction de la production et des déchets et pour l’interdiction des produits les plus problématiques. Mais une vingtaine d’autres pays, menés par les gros producteurs de pétrole – matière première du plastique – que sont l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Iran, estiment que le but du traité doit être de réduire la pollution en améliorant la conception des plastiques, le recyclage et la gestion des déchets. Selon eux, réduire la production ne fait pas partie des objectifs de la négociation.

“Des initiatives plus audacieuses”

“Nous avançons très lentement. On a même parfois l’impression de reculer”, a déclaré à l’AFP un diplomate européen sous le couvert de l’anonymat. “La question est de savoir si, alors que nous approchons de la dernière ligne droite, des initiatives plus audacieuses seront prises pour tenter de débloquer l’accord et si ces initiatives, si elles interviennent à ce moment-là, n’arriveront pas trop tard”, a-t-il ajouté. Selon lui, malgré cet enlisement apparent, un coup de théâtre reste possible. “Dans les tactiques de négociation, les gens gardent leurs cartes jusqu’à la fin. Cela fait déborder le vase, les gens s’exaspèrent et parfois, disons-le, les esprits ne sont pas dans un état propice à la négociation”, explique-t-il. “Mais c’est ainsi que l’on négocie, et cela signifie que tout peut se débloquer dimanche soir”.

Pour Eirik Lindebjerg, observateur de l’organisation écologiste WWF, “la réalité politique est que la majorité se renforce et se soude autour de quelque chose. Et la réalité pratique dans la salle est qu’ils se contentent de tourner en rond parce qu’une poignée de pays refuse tout progrès”. Les documents soumis aux groupes de contact indiquent clairement que l’Arabie saoudite, l’Iran et la Russie souhaitent des modifications importantes, notamment la suppression d’une partie du traité visant à limiter la production de nouvelles matières plastiques. Dans une de ces propositions, l’Arabie saoudite a estimé que toute restriction de la production irait “au-delà” de l’objectif du traité, qui est de limiter la pollution plastique, et risque de créer des “perturbations économiques”.

D’autres diplomates et hauts-fonctionnaires participant aux négociations ont fait part de leur frustration croissante. “Il y a une différence entre protéger ses intérêts et entraver délibérément les progrès des négociations”, s’est plaint un délégué d’un petit Etat insulaire. La teneur des discussions jusqu’à présent laissent présager une fin des pourparlers pour le moins compliquée, a prévenu un diplomate européen. “Je pense que nous arriverons à une situation très difficile dans deux jours au plus tard”, a-t-il prédit. Pour un diplomate européen, “la clé du succès est de formuler un accord soutenu par une grande majorité”. Cela “forcera le petit groupe (de pays qui bloquent les négociations) à tenter de torpiller (le traité) ou à devenir la minorité bruyante et insatisfaite d’un traité qu’ils finiront par signer”.

“Une vie polluée avant même d’avoir pris sa première respiration”

En 2019, le monde a fabriqué environ 460 millions de tonnes de plastique, un chiffre qui a doublé depuis 2000, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et la quantité risque encore de doubler d’ici 2040. Plus de 90% du plastique n’est jamais recyclé, et plus de 20 millions de tonnes finissent chaque année dans la nature, souvent après seulement quelques minutes d’utilisation. “Pendant que nous discutons ici de sémantique et de procédures, la crise s’aggrave”, a averti le délégué du Panama Juan Carlos Monterrey Gomez. “Nous sommes ici parce que des microplastiques ont été trouvés dans le placenta de femmes en bonne santé”, a-t-il poursuivi. “Nous sommes littéralement en train d’élever une génération qui commence sa vie polluée avant même d’avoir pris sa première respiration”, a-t-il lancé, s’attirant un tonnerre d’applaudissements.

Le délégué iranien Massoud Rezvanian Rahagh a au contraire affirmé que les dirigeants des négociations “n’écoutent pas tout le monde” et ont “une approche discriminatoire” contre son camp. “Nous ne voulons pas être accusés de bloquer les négociations par des tactiques malhonnêtes”, a-t-il ajouté. “Qu’un groupe d’Etats accuse un autre groupe d’Etats est inacceptable”, a renchéri le délégué russe, Dimitri Kornilov, appelant les négociateurs à “se concentrer sur des éléments qui soient acceptables pour toutes les délégations”.

“Il est très clair que si nous continuons à ce rythme, nous n’arriverons pas là où nous devons aller”, a estimé lors d’une conférence de presse la cheffe du programme de l’ONU pour l’environnement, Inger Andersen. “La frustration dans la salle était palpable”, a-t-elle poursuivi. “C’est très simple: nous devons conclure ce traité avant dimanche”.

La ministre française déléguée de l’Energie Olga Givernet va se rendre en fin de semaine à Busan. “On est dans un contexte multilatéral difficile sur les questions climatiques et environnementales avec une tentation de fatalisme”, admet-on au cabinet de la ministre, tout en espérant que les diplomates seront “créatifs” pour trouver des solutions et construire une coalition très large de pays. “S’il y a des Etats qui veulent bloquer (le processus), il faudra aussi qu’ils assument les responsabilités, publiquement et devant l’opinion publique internationale, cela à un coût politique”, a ajouté la même source.

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