Elle n’a pas perdu de temps. Quelques jours seulement après la signature d’un décret par Donald Trump autorisant l’extraction minière sous-marine en eaux internationales, une entreprise s’est engouffrée dans la brèche. Il s’agit du Canadien The Metals company (TMC). Il a annoncé cette semaine avoir déposé une demande d’exploitation minière dans les eaux internationales auprès des autorités américaines. Une première. Pour l’instant, aucune extraction minière commerciale n’a encore eu lieu dans les fonds marins, aux Etats-Unis ou ailleurs.
La demande d’exploitation commerciale, portée par la filiale TMC USA, concerne des parcelles d’un total de plus de 25 000 km2 dans la zone de Clarion-Clipperton (CCZ) dans le Pacifique, pour extraire des “nodules polymétalliques” riches en minéraux stratégiques pour la transition énergétique, comme le nickel des batteries ou le cuivre des câbles électriques. “Aujourd’hui marque une étape majeure, non seulement pour TMC USA, mais aussi pour l’indépendance en minerais et la résurgence industrielle de l’Amérique”, a commenté le PDG de TMC Gerard Barron. “Avec le ferme soutien de Washington (…), nous sommes impatients de fournir le premier projet mondial d’extraction commerciale de nodules”, a-t-il ajouté.
Brèche ouverte
Initialement, la société voulait déposer sa demande fin juin auprès de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) qui a juridiction sur les fonds marins des eaux internationales. Mais l’entreprise canadienne, espérant être la première à aller aspirer les nodules polymétalliques, a opéré un changement de stratégie. Elle avait ainsi annoncé dès le mois de mars vouloir solliciter le premier contrat d’extraction minière commerciale en haute mer via l’administration américaine, pariant sur la bonne volonté de Donald Trump.
TMC a justifié ce court-circuitage de l’AIFM par la lenteur de l’organisation à adopter le code minier qui doit établir les règles d’extraction minière commerciale en haute mer. Discuté depuis dix ans, il doit en théorie aboutir cette année, mais de nombreux éléments sont toujours en débat. Surtout, depuis 2023, une clause permet à tout entreprise sponsorisée par un Etat de déposer une demande de contrat d’exploitation même en l’absence de ce code. C’est dans cette brèche que se sont engouffrés The Metals Company et Donald Trump.
Le président américain a signé le 24 avril dernier un décret visant à accélérer l’examen des candidatures et la délivrance de permis d’exploitation, y compris dans les eaux internationales. L’initiative doit permettre de collecter un milliard de tonnes de matériaux en dix ans, a indiqué un haut responsable américain. Le décret enjoint également le secrétaire au Commerce de préparer un rapport sur “la possibilité d’un mécanisme de partage” du produit des fonds marins.
Demande de moratoire
Ce passage en force du président américain hérisse les associations de protection de l’environnement, qui alertent sur les dégâts que provoquerait une telle exploitation sur les écosystèmes marins. “En se lançant dans l’extraction minière en eaux internationales, à contrepied du reste du monde, le gouvernement ouvre la voie à d’autres pays pour en faire de même”, a réagi Jeff Watters, vice-président de l’ONG Ocean Conservancy, dans un communiqué. “Et cela aura des conséquences négatives pour nous tous et pour les océans dont nous dépendons”, a-t-il prévenu.
Selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui a créé l’AIFM, mais que les Etats-Unis n’ont jamais ratifiée, les fonds marins des eaux internationales sont reconnus comme “patrimoine mondial de l’humanité”. Dans ce contexte, l’annonce de TMC “restera dans les mémoires comme un acte de mépris total pour le droit international et le consensus scientifique”, a déclaré mardi Ruth Ramos, de Greenpeace.
Emma Wilson, du groupement d’ONG Deep Sea Conservation Coalition, a également fustigé auprès de l’AFP le comportement “sans scrupules et dangereux” de TMC, appelant désormais les Etats membres de l’AIFM à décider d’un moratoire sur l’activité controversée lors de leur réunion de juillet. “Cela enverrait le signal clair aux Etats et entreprises qui choisissent d’agir en dehors de l’AIFM que la communauté internationale est unie pour défendre le droit international”, a-t-elle plaidé.