Les plus grands champions de surf pourront bientôt glisser au pied des gratte-ciels d’Abu Dhabi. L’étonnante nouvelle a été annoncée mi-août par la World Surf League (WSL) : lors du Championship Tour 2025, soit le championnat le plus important de la discipline, une manche se déroulera pour la première fois aux Emirats arabes unis. Les surfeurs ne mettront cependant pas un pied dans les eaux du golfe Persique. Pour décrocher sa participation à l’événement, le pays du Golfe, peu connu jusqu’ici pour la qualité de ses vagues, a tout misé sur un bassin artificiel aux dimensions démesurées.
Construit sur plusieurs millions de mètres carrés au sein d’Hudayriyat, une île entièrement dédiée aux loisirs et aux sports, le site ouvrira au public en octobre prochain. Il promet d’offrir “une nouvelle destination de surf au cœur du golfe Persique”, avec un bassin permettant de glisser sur “la plus grande et la plus magnifique vague artificielle de la planète”. Le concept a été développé en collaboration avec la société créée par le champion Kelly Slater. Le surfeur américain, récompensé onze fois lors du tournoi mondial, est à l’origine d’un premier bassin aux caractéristiques similaires implanté au beau milieu du désert californien.
Pression sur les ressources
Le monde du surf semble en effet s’intéresser de plus en plus aux vagues artificielles. En plus du championnat international, la compétition du WSL Longboard Tour fera également étape, dès septembre prochain, à Abu Dhabi. En 2022, la World Surf League affirmait par ailleurs vouloir organiser davantage d’épreuves dans des surfparks. “Bien que l’océan reste notre maison, nous pensons que la technologie a un rôle important à jouer dans l’avenir du surf de compétition”, déclarait alors dans un communiqué Jessi Miley-Dyer, la vice-présidente de la WSL.
Les impacts environnementaux et sociaux de ces bassins sont pourtant loin d’être anodins. Si sur le site internet du surfpark d’Abu Dhabi, rien n’est précisé par exemple quant à la consommation des ressources en eau et en énergie de l’installation, d’autres projets permettent de donner un ordre d’idée de leur ampleur. En France, une piscine à vague qui devait être construite au Bourget annonçait ainsi une consommation annuelle de 300 000 mètres cubes d’eau, soit le volume de 120 piscines olympiques.
“Marchandisation” de la pratique
Dans les Landes, un autre projet de surfpark dans la commune de Castets aurait dû nécessiter en moyenne l’utilisation d’1,2 kilowattheure pour chaque vague. Selon les calculs de l’association Les Amis de la Terre, cela représente 2,5 fois la consommation électrique annuelle d’un ménage en seulement une journée. Et ce n’est pas tout : artificialisation des sols, traitement et vidange des bassins entraînant un risque de pollution des cours d’eau et des nappes phréatiques… Autant d’enjeux environnementaux auxquelles s’ajoutent des inquiétudes sociales. Dans une tribune publiée en juillet 2024 par le média La Relève et la Peste, le collectif “Non au surf en boîte” dénonce notamment la création de “bulles touristiques étant aussi souvent des bulles sociales”.
“Les conséquences incluent la “marchandisation” de sports de nature précédemment gratuits, la tendance pour les individus à ne plus savoir distinguer le vrai du faux et à s’approprier des pratiques culturelles ancestrales”, écrit-il. Encore peu implantés en France où l’opposition des associations de protection de l’environnement, des habitants et de certains surfeurs est forte, ces piscines connaissent un engouement croissant un peu partout dans le monde. Si on ne compte aujourd’hui qu’une vingtaine de bassins artificiels sur les cinq continents selon les estimations du collectif, plus de 200 projets seraient actuellement en développement.