Publié le 30 avril 2025

Parmi les mesures polémiques du projet de loi simplification de la vie économique, actuellement en cours d’examen, un article prévoit d’assouplir les règles d’attribution des permis miniers en Guyane pour faciliter l’exploitation minière en Guyane, au détriment des protections environnementales.

Les débats ont repris à l’Assemblée nationale mardi 29 avril sur le projet de loi de simplification de la vie économique, avec l’examen des 1 000 amendements restants. Parmi eux, l’article 19 qui prévoit d’assouplir le Code minier, pourtant déjà récemment réformé et entré en vigueur en juillet dernier. Cette discrète mesure impactera directement la Guyane. Ce territoire français situé en Amérique du Sud est recouvert à plus de 90% de forêt dense à la biodiversité inégalée, mais concentre également l’essentiel des projets français d’extraction minière, avec 82 % des mines ouvertes en France. Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, cela représente 102 mines légales sur les 123 mines ouvertes dans le pays, 65% des concessions minières en termes de surface et 27% des permis de recherche.

Ce mouvement fait suite à l’intention exprimée par Emmanuel Macron, alors qu’il était encore ministre de l’Économie, de relancer la production minière en France. Un élan très sévèrement contrarié par l’échec du projet dit de la “Montagne d’or” toujours en Guyane. Après plus de cinq ans de bataille judiciaire, la justice française avait confirmé en 2024 la non-prolongation des concessions de la compagnie minière, au motif qu’elles présentaient “un risque d’atteintes graves à l’environnement” au regard de leur nature “extrêmement polluante” et de “l’importance” de leur dimension industrielle.

Faciliter les projets miniers au détriment de l’environnement

Concrètement, si l’article 19 de la loi de simplification est adopté au terme de cette semaine de débats à l’Assemblée nationale, cela aura pour conséquence de réduire le délai d’instruction des permis exclusifs de recherche (PER) pour atteindre 6 à 9 mois contre 12 à 18 mois actuellement, et surtout de supprimer l’avis conforme de l’ONF (Office national des forêts), jusque-là indispensable dans le cadre du dossier d’autorisation de recherche minière (ARM). Cette procédure, spécifique à la Guyane, est une étape préalable à la demande d’exploitation minière (AEX), un titre dérogatoire mis en place pour développer les mines alluvionnaires, le principal type de mines d’or dans la région.

Jusqu’à présent, l’exploitant devait obtenir l’accord du propriétaire du sol – l’État – ou de son gestionnaire – l’ONF. Ces derniers devaient vérifier la compatibilité du projet avec les zones d’intérêt écologique. Or, l’exploitation minière est synonyme, selon l’ONF, de perturbation des cours d’eau et de déforestation, en moyenne 500 hectares par an. Avec cette révision, seule la préfecture sera à même de délivrer des titres miniers, excluant ainsi “le seul acteur qui pouvait s’opposer pour motif environnemental” à leur installation, alerte auprès de l’AFP Nolwenn Rocca, coordinatrice de l’association Guyane Nature Environnement (GNE). Pour le directeur de l’ONF en Guyane, François Lorysko, “trop de simplification pourrait mettre en danger la protection de la forêt”. En 2024, l’ONF a statué sur 13 désaccords sur 80 dossiers d’autorisation de recherche minière. Elle gardera néanmoins ses compétences de police forestière et d’instance de contrôle des réhabilitations des sites miniers après exploitation.

Le développement des AEX, modèle le plus répandu en Guyane, est au cœur de la réforme : leur nombre par exploitant n’est plus limité et leur forme devient libre, permettant d’exploiter une plus grande surface. La réforme prévoit également une mise en concurrence des opérateurs, via des appels à manifestation d’intérêt. En contrepartie, le nouveau code impose des garanties financières aux exploitants, censées couvrir la réhabilitation des sites après extraction, une obligation auparavant peu codifiée. Pour la Fédération des opérateurs miniers de Guyane (Fedomg) et la Collectivité territoriale de Guyane, ces évolutions sont nécessaires pour industrialiser la filière aurifère, aujourd’hui dominée par une exploitation artisanale.

La course aux métaux

Le député indépendantiste de Guyane Jean-Victor Castor se montre partagé. S’il appelle à “prendre en considération les particularités de la Guyane, qui a besoin d’exploiter ses ressources pour se développer”, il estime que l’article 19 “sert les intérêts géostratégiques de la France et va favoriser les grosses entreprises” pour exploiter le minerai. Il demande des assouplissements supplémentaires pour les PME guyanaises, aujourd’hui “dans une logique de survie”. Mais pour GNE, le secteur contribue de toute façon “peu à l’économie locale“. En 2018, il n’était que le 35e secteur sur 36 contribuant à l’économie guyanaise, selon un rapport du cabinet Deloitte commandé par WWF France.

L’un des enjeux mis en avant par le gouvernement pour justifier cet assouplissement du Code est la lutte contre l’orpaillage illégal, fléau aux impacts environnementaux, sanitaires et sociaux désastreux en Guyane depuis trois décennies. Pour le vice-président de la collectivité territoriale de Guyane, Jean-Luc West, “l’objectif de la réforme du code minier est d’avoir une mine légale beaucoup plus forte qui arrive à supplanter la mine illégale. En 2023, 5 tonnes d’or ont été extraites illégalement. Mais cet assouplissement du Code minier intervient également dans un contexte où la France, et plus largement l’Union européenne, cherchent à sécuriser leur approvisionnement en métaux stratégiques pour la transition écologique ou les technologies numériques. Au-delà de l’or, les sous-sols guyanais regorgent de minerais comme le coltan, la bauxite, le fer ou encore le manganèse. D’ailleurs, cela fait également écho au lancement le 13 février dernier d’un nouvel inventaire minier sur cinq territoires français, dont la Guyane, par le BRGM.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes