Publié le 14 mai 2024

Les actions de protestation se multiplient ces derniers mois autour de la gigafactory Tesla de Grünheide, au coeur notamment de plusieurs cas de pollutions des eaux locales. Des centaines de personnes ont tenté de bloquer le site ces derniers jours, et la contestation monte.

Verra-t-on bientôt une ZAD s’installer autour de l’usine Tesla de Grünheide ? Plus d’un millier de manifestants ont défilé le week-end du 11 et 12 mai dans cette petite ville de l’est de l’Allemagne près de Berlin. Riverains, écologistes, militants : tous s’opposent au projet d’extension de la gigafactory du constructeur automobile américain. En cause, les impacts environnementaux de l’usine. Mercredi 8 mai, les opposants ont renforcé les campements établis près du site industriel, avant de tenter de s’introduire dans l’usine deux jours plus tard. Quelques affrontements ont même eu lieu entre la police et les manifestants durant ce week-end. Une contestation qui prend de l’ampleur depuis des mois déjà.

En février dernier, les habitants de la ville de Grünheide avaient ainsi voté contre l’extension de l’usine, à près de 65%. Un vote uniquement consultatif qui n’a pas remis en question le projet d’agrandissement. Depuis, le collectif “Disrupt Tesla” organise régulièrement des actions de protestation et des manifestations sur le site. En mars, l’usine avait même été fermée pendant près d’une semaine, après qu’un groupe de militants et d’activistes d’extrême gauche, le Vulkan Group, avait saboté une des lignes d’approvisionnement électrique. L’entreprise avait alors estimé les pertes financières à plusieurs centaines de millions d’euros, et le patron de Tesla, Elon Musk, s’était indigné sur les réseaux sociaux, qualifiant les militants d’“écoterroristes les plus stupides du monde.”

Pollution des nappes phréatiques et déforestation à la gigactory Tesla

C’est l’impact de l’usine sur l’environnement et les ressources naturelles locales qui cristallise la contestation. Les opposants reprochent notamment au site de “polluer la nappe phréatique” et de “consommer d’énormes quantités d’une ressource en eau potable déjà rare”, dans une région marquée par la sécheresse depuis plusieurs années à cause de la crise climatique. La Wasserverband Strausberg-Erkner (WSE), association de gestion du réseau d’eau potable dans la région, a même épinglé l’entreprise pour avoir dépassé “constamment et de manière significative” les limites autorisées pour le phosphore et le nitrogène dans ses eaux usées. Alors qu’une trentaine d’incidents liés à la gigafactory ont été identifiés sur les réseaux d’eaux locaux, l’organisme a également déclaré avoir envoyé sans succès plusieurs demandes et avertissements à l’entreprise. “Aucune solution pour l’avenir n’a été abordée ou promise” par Tesla précise la WSE.

Autre point d’achoppement : la déforestation nécessaire à l’installation des infrastructures industrielles, qui devraient couvrir près de 500 hectares au total. En outre, les opposants reprochent à l’entreprise américaine de contribuer via ses fournisseurs à l’exploitation des travailleurs et des ressources naturelles dans les pays en développement où sont produites les matières premières nécessaires à la fabrication des véhicules électriques et de leurs batteries (lithium, cobalt…).

“Solution capitalistes bidons”

De son côté, la direction de Tesla n’a pas répondu aux sollicitations de Novethic. Elle a par contre nié les accusations sur les réseaux sociaux ces derniers mois, clamant que “la production d’un véhicule [dans cette usine] ne nécessite que 2,23 m3 d’eau, soit 33% de moins que la moyenne de l’industrie” et assurant que “les eaux industrielles sont recyclées jusqu’à 100%”. L’entreprise indique également avoir mis en place un programme de compensation écologique, basé sur le reboisement et l’entretien écologique de plusieurs zones de la région. Pas de quoi rassurer les riverains et les collectifs associatifs, qui continuent à s’opposer à ce qu’ils qualifient de “solutions capitalistes bidons”. Par communiqué, le collectif Disrupt Tesla précise ainsi que son objectif n’est pas “de bloquer la production le temps d’un week-end, mais d’empêcher l’agrandissement de l’usine et d’initier une transition sociale et écologique globale des transports.” 

De nouvelles manifestations sont donc à prévoir dans les prochaines semaines. La production de la gigafactory, qui devait permettre de fabriquer près d’un million de véhicules électriques, notamment le modèle Y, un SUV électrique de près de deux tonnes, pourrait encore être significativement ralentie. Une difficulté de plus pour Tesla, déjà embourbé dans une bataille avec les syndicats dans plusieurs pays d’Europe, qui dénoncent les mauvaises conditions de travail imposées par le groupe.

La gigafactory de Grünheide n’est pas la seule à créer la polémique dans le monde, et les impacts environnementaux des grands projets industriels en lien avec la transition énergétique sont de plus en plus pointés du doigt. Au Canada, l’usine de batteries Northvolt suscite ainsi les inquiétudes, quand en France, ce sont les mines de lithium dans l’Allier qui font en ce moment l’objet d’un débat public. Signe que, pour éviter les crises, les projets de  réindustrialisation dite verte ont plus que jamais besoin de concertation et de dialogue.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes