Lancés il y a peu, les crédits plastique, à l'instar de leur ancêtre, les crédits carbone, n'échappent pas aux polémiques. Un projet lancé par Danone en Indonésie a ainsi été suspendu après des plaintes des communautés locales. Il s'agit de l'un des plus importants programmes sur le plastique développés par Verra, l'un des organismes certificateurs les plus référents sur le marché. Interrogé par Novethic, Verra confirme avoir lancé en mai de l'année dernière "un examen de contrôle de la qualité" qui est toujours en cours.
Le principe est assez semblable aux crédits carbone. Il s'agit de financer des projets de collecte et/ou de recyclage de plastique, dans les pays du Sud, qui vont générer des crédits. Ceux-ci sont ensuite achetés par des entreprises désireuses de réduire leur empreinte plastique. En Indonésie - deuxième contributeur à la pollution plastique des océans après la Chine - Danone apparaît comme le premier pollueur plastique du pays. Il y commercialise notamment les bouteilles d'eau Acqua et il est devenu le premier producteur d'eau minérale dans le pays. Le format "cup" de 240 ml est particulièrement pointé du doigt pour sa complexité à être recyclé.
Atteinte au droit à environnement sain
Mais plutôt que de retirer le produit du marché indonésien, Danone s'est engagé à collecter plus de plastique qu'il n'en utilise dans le pays d'ici à 2025. C'est là qu'interviennent les crédits plastique. Le géant de l'agro-alimentaire vise à collecter environ 170 000 tonnes de plastique en Indonésie d'ici 2030, en soutenant la création et l'exploitation de cinq installations de traitement des déchets à travers le pays. C'est l'une de ces installations, située à Bali, qui fait l'objet d'un contrôle suite à la réception de nombreuses plaintes des riverains, selon une enquête révélée par le média Unearthed.
Ils dénoncent une violation de leur droit à un environnement sain. Ils affirment en effet que l'installation est trop proche de leurs habitations et qu'elle a causé de graves problèmes de santé au sein de la communauté. Il y a un an, ils ont donc envoyé une lettre à Danone l'appelant à retirer le projet du système de crédits plastiques de Verra et à assainir entièrement le site. "Depuis 20 mois, nous souffrons de sa pollution. Les installations de Danone ravagent notre quartier. Nous nous sommes plaints à plusieurs reprises, mais maintenant nous insistons pour obtenir une réponse", a déclaré Owen Podger, un représentant de la communauté d'Angga Swara.
"Blanchir son image"
Verra souligne que "ce projet n'a pas émis de crédits plastiques et qu'il n'a pas l'intention de le faire". Contacté par Novethic, Danone explique "testé le programme plastique de Verra avec comme objectif principal d’évaluer sa méthodologie, à des fins comptables uniquement". "Nous estimons que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour tester l'efficacité des crédits plastiques, et confirmons que nous n’avons jamais eu l’intention ni n’avons acheté de crédits plastiques dans le cadre de ce projet", précise le groupe qui ajoute que son soutien financier à l'installation a pris fin. "Avec ses partenaires, Danone soutient par ailleurs 36 installations à travers l'Indonésie, ainsi qu'un réseau de banques de déchets communautaires et près de 10 000 collecteurs de déchets dans tout le pays. Grâce à ces efforts, nous sommes en mesure de collecter jusqu'à 22 000 tonnes de déchets plastiques chaque année" ajoute encore le géant de l'agroalimentaire.
"En mettant en place des programmes de compensation du plastique comme celui de Bali, Danone blanchit son image et évite de modifier de manière réelle et substantielle la quantité de plastique à usage unique qu’il utilise", a réagi Emma Priestland, coordinatrice de la campagne d'entreprise de BreakFreeFromPlastic, dans un communiqué. Le groupe a d'ailleurs été assigné en justice pour non-respect du devoir de vigilance en ne déployant pas une stratégie de déplastification.
La question de la réduction de la production de plastique a été au centre des négociations du traité mondial sur les pollutions plastique dont la quatrième session a eu lieu fin avril. Les "solutions" comme les crédits plastique y ont été défendues par Verra ou encore la Banque mondiale lors d'événements annexes. "Il est bien connu que nous avons besoin d'une combinaison d'interventions en amont et en aval pour atteindre l'ambition ultime de zéro déchet de plastique dans la nature", argumente Verra. "L'achat de crédits plastiques offre un moyen d'y parvenir", ajoute l'organisme qui gère une soixantaine de projets plastique ayant émis quelques 8 000 crédits plastique.
Mise à jour avec la réaction de Danone le 13/05/24 à 11h30




