Publié le 09 janvier 2023

GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

Plastique : Danone assigné en justice sur son devoir de vigilance

C'est une assignation inédite pour Danone. Trois ONG ont déposé un recours contre le géant de l'agroalimentaire pour non-respect du devoir de vigilance. Elles considèrent que l'entreprise n'a pas répondu à ses obligations en ne déployant pas une stratégie de déplastification. Une critique réfutée par le groupe. 

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Rien qu'en 2021, le groupe Danone a produit plus de 750 000 tonnes de plastique, ce qui équivaut à 74 tours Eiffel, selon les ONG qui assignent le géant agroalimentaire en justice.
iStock

C’est un symbole fort pour la première entreprise à mission du CAC40. Le géant agroalimentaire Danone vient en effet d’être assigné en justice pour non-respect du devoir de vigilance en matière de plastique. Trois ONG, ClientEarth, Surfrider Europe et Zero Waste jugent que l’entreprise n’a pas donné de gage de réduction progressive du plastique. Pour rappel, depuis 2017, la loi sur le devoir de vigilance impose aux entreprises de plus de 5 000 salariés de mettre en œuvre un plan de prévention des risques sociaux, environnementaux et de gouvernance sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. 

Fin septembre, les trois ONG avaient mis en demeure neuf géants de l'agroalimentaire et de la distribution parmi lesquels Auchan, Carrefour, Nestlé et Danone. "Contrairement à Nestlé qui a publié son premier devoir de vigilance en décembre après la mise en demeure, en y incluant un plan de déplastification ou encore Carrefour qui nous a fait part de son intention de modifier son futur plan de vigilance, Danone a répondu très tardivement et reste dans l’immobilisme", assure à Novethic Antidia Citores, porte-parole de la coalition d’ONG. 

Preuve de ce statu quo : les ONG affirment qu’aucune mention du terme "plastique" n’est indiquée dans le plan de vigilance du groupe. "C’est surprenant pour une entreprise dont le plastique constitue une matière première tout autant que l’eau ou le lait", réagit auprès de Novethic Me Sébastien Mabile, l’un des avocats des ONG. 

Danone "très surpris"

Dans sa lettre de réponse à la mise en demeure, Danone se dit "très surpris" des critiques à son encontre et affirme examiner "avec la plus grande attention" les risques associés à l’usage de l’emballage plastique. "Nous mettons en œuvre un cadre complet d’actions qui vise à la fois à réduire l’utilisation de plastique, développer le réemploi, renforcer les filières de collecte et de recyclage et développer des matériaux alternatifs", énumère le groupe dans un mail envoyé à Novethic. 

Si les ONG ont décidé de cibler en priorité Danone c’est aussi qu’il représente un des dix plus gros pollueurs de plastique au monde derrière Coca-Cola ou Pepisco, selon le rapport Break Free From Plastic. "Rien qu'en 2021, le groupe Danone a produit plus de 750 000 tonnes de plastique, ce qui équivaut à 74 tours Eiffel", affirment les ONG. Si Danone est condamné, il devra publier un nouveau plan de vigilance intégrant une trajectoire de déplastification sous six mois. En attendant, les initiatives des autres entreprises mises en demeure sont scrutées à la loupe. "Les discussions vont se prolonger, il n’est pas exclu que d'autres fassent l’objet d’une assignation", précise Me Sebastien Mabile. 

Casino, Suez, TotalEnergies... également poursuivies

Outre Danone, de plus en plus d’entreprises sont poursuivies par les ONG sur leur devoir de vigilance. La chaîne de supermarché Casino est par exemple accusée, à travers la vente de produits à base de viande bovine d’Amérique du sud, de participer à la déforestation et à l’accaparement de terres des autochtones. Suez est également assigné en justice sur sa prévention des fuites de pétrole dans une usine d’eau potable alimentant plus de 140 000 personnes dans la ville d’Osorno au Chili. Cette "judiciarisation de la RSE", comme le décrit l’avocat François de Cambiaie, a abouti à l’ouverture du premier procès sur le devoir de vigilance le 7 décembre dernier. Il opposait TotalEnergies à six ONG concernant son méga projet pétrolier Eacop/Tilenga.  

En attendant, la justice n’est pas la seule voie empruntée par les ONG. Concernant le plastique, la coalition ClientEarth, Surfrider Europe et Zero Waste compte faire pression pour que le traité mondial contre la pollution plastique, prévue en 2024, intègre une obligation de trajectoire de déplastification, autant pour les États que les entreprises. Un traité qui est aussi souhaité par Danone. "La solution pour mettre fin à la pollution plastique ne peut venir d’une entreprise seule (…), écrit le groupe. C’est pourquoi nous soutenons l’adoption, sous l’égide des Nations Unis, d’un traité international juridiquement contraignant"

Marina Fabre Soundron @fabre_marina 


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