Publié le 30 avril 2024

Les négociations sur un traité mondial pour lutter contre les pollutions plastiques s'achèvent sur quelques avancées. Mais les blocs s'opposent toujours sur l'instauration d'un objectif de réduction de la production plastique primaire.

Les négociations sont enfin entrées dans le vif du sujet. La quatrième – et théoriquement avant-dernière – session de négociations pour un Traité international sur les pollutions plastiques se sont achevées ce mardi 30 avril au matin, à Ottawa, au Canada, sur une note moins négative que les précédentes rencontres. "Nous assistons à un changement drastique et monumental de ton et d'énergie", a résumé la secrétaire parlementaire canadienne, July Dabrusin.

L'entourage du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu confirme également un changement de logique au sein des pays les moins ambitieux, rassemblés sous la bannière des "Likeminded countries" (ceux qui pensent pareil), Russie, Chine, Inde et Arabie saoudite en tête. "Un groupe réduit de pays mais très vocal."

"Ils sont passés d'une logique d'obstruction empêchant tout dialogue à une logique de dilution qui complexifie le texte mais qui permet au moins de faire émerger les positions de chacun et d'y voir plus clair dans leur jeu", poursuit le cabinet de Christophe Béchu. Ils privilégient les solutions en aval comme le recyclage et une meilleure gestion des déchets, "considérant que la pollution plastique commence après sa production, voire même quand il devient déchet" et sont vent debout contre un quelconque objectif de réduction de la production plastique primaire dans le traité.

"L'éléphant dans la pièce" c'est la réduction de la production plastique

C'est là le principal point d'achoppement des négociations, l'éléphant dans la pièce. Un groupe de 28 pays, parmi lesquels la France, l'Australie, le Nigeria ou encore les Philippines, rassemblés sous la bannière "Bridge to Busan" appellent à s'y attaquer. Le Pérou et le Rwanda, les deux pays qui avaient lancé l'idée d'un traité plastique, ont pris les devants à Ottawa en déposant une motion proposant de réduire la production de plastique de 40% d'ici 2040, par rapport à 2025. Elle n'a sans surprise pas été adoptée.

"Même si elle est loin de faire l'unanimité, cette proposition est un marqueur important car elle émane de pays du Sud qui ont de forts enjeux de développement. Ça signifie qu'ils décorrèlent développement et hausse de la consommation de plastique", commente pour Novethic Henri Bourgeois Costa, directeur des affaires publiques au sein de la Fondation Tara Océans, qui suit les négociations sur place en tant qu’observateur spécial à l’ONU.

Autre signal important, en provenance du G7, qui se tenait à Turin les 29 et 30 avril. Il s’engage à réduire la production mondiale de polymères primaires afin de mettre fin à la pollution plastique en 2040. Parmi le groupe des sept pays industrialisés, il y a notamment les États-Unis, qui avaient jusqu'ici eu un positionnement difficile à analyser au sein des négociations sur le plastique, se montrant hostile à des mesures contraignantes. "Cette déclaration très ambitieuse du G7 va les engager, ça va être très utile", commente l'entourage du ministre Christophe Béchu.

"Plasticoscepticisme"

Un rapport publié par la fondation Tara Océans montre que réduire la production de plastique d’au moins 50% en 2040 à l'échelle mondiale, grâce à l’instauration de quotas mondiaux de production de monomère, est tout à fait atteignable sans déstructurer l'économie. Mais à mesure que les négociations avancent, les lobbys sont de plus en plus nombreux à lutter contre l'instauration d'objectifs trop ambitieux. Selon le Centre pour le développement du droit international de l'environnement (Ciel), ils étaient 196 lobbyistes à Ottawa, en hausse de 40% par rapport à la dernière session. Ils étaient ainsi plus nombreux que les 180 représentants des délégations de l'Union européenne et même trois fois plus nombreux que les 58 chercheurs de la Coalition des scientifiques pour un traité efficace sur le plastique.

"Beaucoup de pays accréditent dans leur délégation des acteurs privés, c'est donc très difficile à contrôler", confirme le cabinet de Christophe Béchu. "Ici à Ottawa, il y a des camions qui circulent autour du centre de négociations avec des affiches qui vantent les mérites du plastique sur la santé, l'alimentation...", témoigne Henri Bourgeois Costa. Il dénonce le plasticoscepticisme à l'œuvre, comme le climatoscepticisme dans les négociations climatiques. "Ce sont les mêmes schémas de négation de la science qui s'appliquent", déplore-t-il.

Le sentiment général à la fin de ces négociations est toutefois qu'il y a une volonté d'avancer. "Un projet de traité consolidé a été validé, même si celui-ci contient encore beaucoup d'options. Nous avons également obtenu un plan de travail technique pendant l'intersession, qui avait été refusé lors du dernier round de négociations. C'est donc très positif, fait savoir l'entourage du ministre de la Transition écologique. Reste que le calendrier est très serré. La dernière session se tiendra à Busan en Corée du Sud en novembre prochain, puis les Etats devront adopter officiellement le traité lors d'une conférence diplomatique en 2025. Est-ce qu'il s'agira d'un vote à la majorité qualifiée des deux tiers, comme le demandent un certain nombre de pays face aux nombreux blocages, ou à l'unanimité ? C'est encore une des nombreuses questions qu'il faudra trancher.

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