TikTok est le royaume des hauls. Vous ne connaissez peut-être pas ce terme mais si vous naviguez régulièrement sur le réseau social chinois, vous n’avez pas pu y échapper. Ce sont ces vidéos dans lesquelles des influenceurs se filment en train de déballer leurs achats. Un procédé sur lequel s’appuie beaucoup la marque d’ultra fast-fashion Shein par exemple pour faire décoller ses ventes. Une pratique marketing virale qui pousse à la surconsommation.
Mais attention au retour de bâton. Car face à cette surenchère consumériste, à ces publicités déguisées, des jeunes adultes se rebiffent.
Sur TikTok le mot-clé “Underconsumption core” qu’on pourrait traduire par “consommer juste l’essentiel” est en forte hausse. “Il n’est pas normal de faire des achats massifs de vêtements, d’aller quotidiennement chez Target et d’avoir une nouvelle tenue tous les jours. Je ne pense pas que cela devrait être une aspiration”, explique par exemple sur TikTok l’influenceuse Sabrina Pare, spécialiste du développement durable. Cette dernière filme ainsi ces vieux objets un peu abîmés mais encore utilisables comme une gourde, des serviettes de toilettes ou encore des totes bags. Et elle n’est pas la seule à promouvoir un mode de vie plus sobre.
Ces publications “font la promotion d’un mode de vie de consommation modérée : au lieu d’avoir 15 produits de beauté ou 50 paires de chaussures, n’en avoir que trois”, explique la Française Anissa Eprinchard, analyste des comportements numériques. A l’heure où tout est devenu “objet de consommation, aussi bien le discours politique… que le skin care (soins du visage, ndlr)”, cette tendance signale “un ras-le-bol du consumérisme de contenus”, estime-t-elle. Selon l’AFP, les recherches associées à la “sous-consommation” ont presque doublé sur Google cet été aux Etats-Unis, tout comme celles ciblant la “surproduction”.
“Fétichisation de la pauvreté”
Et ce n’est pas le premier signe de ras-le-bol chez les influenceurs et internautes. En mars dernier déjà, une tendance a émergé sur TikTok, celle de la désinfluence. Cette pratique consiste à mettre en avant un produit, généralement un must have (le dernier rouge à lèvre porté par les célébrités, un sèche-cheveux à la mode, etc) tout en expliquant pourquoi ne pas l’acheter. Ces “antihauls” ont fleuri pendant des semaines sur le réseau social. La spécialiste de Carla Monzali, co-fondatrice du collectif Paye ton influence, interrogée par Novethic, craignait cependant que “derrière cette tendance se cache parfois le fait de promouvoir un autre produit aux mêmes caractéristiques, mais moins cher, aussi appelé un dupe“. Or aujourd’hui, le phénomène à l’œuvre semble être la promotion pure et simple d’objets déjà achetés, la valorisation des biens de seconde main.
Si la conscience environnementale motive ce type de contenus sur les réseaux sociaux, c’est aussi la contrainte budgétaire qui joue un rôle. Quitte à ce que cette tendance à la déconsommation érigée en mode de vie soit raillée par des populations plus précaires. “C’est en fait la réalité de la vie sous le seuil de pauvreté”, table ainsi une internaute sur TikTok. Interrogée par le journal britannique The Guardian, Shanu Walpita, spécialiste des tendances qui enseigne au département de communication du London College of Fashion ajoute : “Il serait risqué de ne pas reconnaître la fétichisation ou la glorification de la pauvreté et de la hiérarchie des classes”, dit-elle. “L’ironie est qu’il y a un élément de privilège à choisir de s’engager activement dans la sous-consommation et d’en faire une forme de contenu viral et partageable”. Reste que “les consommateurs célèbrent le minimalisme comme une forme d’activisme”, pointe-t-elle, et c’est assez novateur.