Publié le 02 mars 2023
SOCIAL
Désinfluence : sur les réseaux sociaux, les influenceurs tournent le dos à la surconsommation
Depuis quelques semaines, le ton a changé sur TikTok. Cosmétiques, fast-fashion, accessoires… Fini les codes promo et les partenariats, les influenceurs présentent aujourd’hui à leur communauté les produits à ne pas acheter. Une tendance qui prend de l’ampleur mais qui ne relève pas toujours de la prise de conscience écologique.

Captures d'écran / TikTok
"Vous n’avez pas besoin d’un nouveau téléphone si le vôtre fonctionne encore. Et vous n’avez pas besoin du dernier IPhone à tout prix." Voilà le genre de message que l’on ne s’attend pas à rencontrer sur les réseaux sociaux où les influenceuses assaillent les internautes de placements de produits, partenariats plus ou moins signalés et conseils shopping en tout genre. Et pourtant, il s’agit du sujet d’une série de vidéos publiée par Michelle Skidelsky, une TikTokeuse canadienne dont le compte rassemble plus de 90 000 abonnés. En appelant sa communauté à ne pas succomber à la surconsommation, la jeune femme s’inscrit dans la tendance émergente de la désinfluence.
Avec plus de 197 millions de vues et 6,6 millions de mentions "j’aime", le terme est apparu sur le réseau chinois en janvier dernier selon Visibrain, plateforme de veille des réseaux sociaux. Portée depuis par un nombre croissant d’utilisateurs, la désinfluence consiste à mettre en avant un produit tout en expliquant pourquoi ne pas l’acheter. Les désinfluenceurs s’attaquent en particulier aux secteurs de la mode et des cosmétiques, mais également aux micro-tendances, dont les durées de vie sont extrêmement courtes. Le sèche-cheveu à la mode, le dernier rouge à lèvre porté par les célébrités ou encore le smartphone que tout le monde s’arrache… Ces must have de quelques jours créent de nouveaux besoins à un rythme effréné, virant à la surconsommation.
Prise de conscience ou recherche du bon plan
Face aux impacts environnementaux et sociaux néfastes de ces injonctions qui ciblent en majorité un public jeune et influençable, la désinfluence semble au premier abord prôner une consommation plus responsable. Les hashtags #overconsumption (#surconsommation), #consciousconsumerism (#consommationresponsable) ou encore #antihaul accompagnent majoritairement les vidéos et contenus portant sur le sujet, d’après les données de Visibrain. "C’est un message fort à prendre en compte", souligne Carla Monzali, co-fondatrice du collectif Paye ton influence. "Une tendance qui dit d’arrêter de consommer de manière explicite, c'est assez inédit sur les réseaux sociaux. Cela pourrait faire changer les imaginaires et les mentalités", explique la spécialiste de l’influence à Novethic, qui appelle pour autant à la prudence.
Car la désinfluence n’incite pas systématiquement à la déconsommation. Deux courants semblent en effet se dessiner sur les plateformes sociales. "Derrière cette tendance se cache parfois le fait de promouvoir un autre produit aux mêmes caractéristiques, mais moins cher, aussi appelé un dupe. Finalement, les influenceurs se retrouvent à tout de même encourager la consommation", précise Carla Monzali. Entre prise de conscience et recherche du bon plan, l’évolution de la désinfluence et de ses déclinaisons seront minutieusement surveillées par Paye ton influence.
"Les influenceurs font partie de la solution"
Mais avant même l’apparition du concept sur TikTok, certains créateurs de contenus avaient déjà pris le tournant d’une influence plus responsable. On peut notamment citer Sandrea, youtubeuse habituée à prodiguer des conseils beauté et mode à près d’un million et demi d’abonnés, qui aujourd’hui s’engage à se passer de fast fashion et parle d’écologie. On peut également mentionner l’influenceur Benjamin Martine, alias Tolt, qui après avoir abandonné l’avion, promeut le voyage lent et bas carbone auprès de ses 46 000 abonnés TikTok ou encore Louise Aubery, créatrice vidéo connue sous le nom de My better self, qui partage avec 579 000 abonnés une mode inclusive et durable sur Instagram.
Si ce virage vert semble difficilement compatible avec le modèle économique de l’influence reposant majoritairement sur les partenariats avec des marques, pour Carla Monzali les influenceurs font partie de la solution et peuvent être de véritables portes parole de la transition écologique. "Il est nécessaire de les accompagner dans cette démarche. Il ne faut pas condamner le secteur, les réseaux sociaux sont un outil formidable pour donner de la visibilité à ces sujets", insiste la spécialiste. Pour mieux encadrer la profession où le greenwashing et les scandales se multiplient ces derniers mois, le gouvernement a par ailleurs lancé une consultation dont les résultats ont été présentés le 15 février dernier. Une proposition de loi devrait ensuite être présentée à l'Assemblée nationale fin mars.