Publié le 30 août 2024

Rappels massifs pour des dysfonctionnements, licenciements par milliers dans les usines de Détroit aux Etats-Unis, actions en justice d’investisseurs pour diffusion de fausses informations… Stellantis est au plus mal aux Etats-Unis mais aussi en Europe. Carlos Tavares, son dirigeant qui pulvérise les coûts, essuie des revers qui font comparer la situation de son groupe à celle de Boeing.

Rien ne va plus pour Stellantis, dont le patron Carlos Tavares estimait il y a encore six mois qu’il valait bien ses 30 millions d’euros par an ! Un tiers de ses actionnaires n’était pas d’accord et l’avait clamé haut et fort lors de l’AG du constructeur en avril dernier, en rejetant la rémunération du PDG. Ils avaient conscience des menaces qui pèsent sur un modèle qui traque avec acharnement ce que son dirigeant appelle “les surcoût évitables”. Cela concerne les salariés mais aussi les fournisseurs et les distributeurs. L’objectif est de doper le cours de l’action de Stellantis, qui influe sur le montant de la rémunération personnelle de Carlos Tavares.

Aujourd’hui, le cours de bourse est en berne – il a perdu plus de 38% de sa valeur depuis avril 2024. Pire, des cabinets d’avocats spécialisés dans les actions de groupe viennent d’en lancer une contre Stellantis, son dirigeant Carlos Tavares et sa directrice financière, Helen Knight. Ils sont accusés d’avoir laissé croire que les ventes de voitures du groupe se portaient plutôt bien alors que la publication des résultats, en juillet, a montré qu’elles avaient baissé de près de la moitié sur le premier semestre 2024. Stellantis aurait menti sur l’état réel de ses stocks. La procédure vient de démarrer et les investisseurs lésés ont jusqu’au 15 octobre pour rejoindre le mouvement.

Une plainte au pénal

Cette crise de gouvernance s’ajoute à une crise sociale, Stellantis ayant annoncé depuis décembre dernier des milliers de licenciements, à Detroit et dans d’autres usines américaines où sont produites les gammes de véhicules qui se vendent le moins. Le groupe automobile est également visé par deux autres actions collectives intentées en France au nom des consommateurs confrontés aux dysfonctionnements des rappels massifs de véhicules équipés d’airbags Takata et de moteurs PureTech. Les airbags défectueux de Takata ont été diffusés dans l’ensemble de la chaine automobile. Le scandale a éclaté il y a dix ans quand ces airbags, produits par un sous-traitant fournisseur de tous les constructeurs automobiles, ont commencé à exploser accidentellement dans certaines conditions climatiques, chaudes et humides. Ils ont déjà provoqué la mort de dizaines de conducteurs et plus de 200 blessés. Les rappels concernent des millions de voitures dans le monde et, pour Stellantis, plus spécifiquement des C3 et des DS3 de la marque Citroën. L’action collective, lancée en juin 2024, lui reproche de procéder beaucoup trop lentement à ces rappels, qui viseraient 500 000 véhicules selon le groupe, et sans faciliter la tâche de ses clients. Un chiffre qui semble largement sous-estimé aux parties prenantes.

Le groupe risque encore plus gros puisqu’une plainte au pénal pour mise en danger de la vie d’autrui, a été déposée fin juillet. Il est reproché à Stellantis des “pratiques commerciales trompeuses“. Parmi les plaignants, la famille d’un conducteur de C3 mort au volant dans le sud-ouest de la France en novembre 2023. L’un des avocats à l’origine de cette action, maître Pierre Delivret, précise que “les constructeurs ont mené des campagnes publicitaires et de marketing vantant la sécurité et la fiabilité de ces véhicules, alors qu’ils étaient au courant des défauts critiques des airbags Takata depuis a minima 2014. Cette divergence entre les promesses faites aux consommateurs et la réalité des produits livrés constitue une pratique commerciale trompeuse“.

La dangerosité des moteurs PureTech, mis au point par le groupe PSA devenu Stellantis pour réduire ses coûts, repose sur le choix des matériaux. Ils entraînent des problèmes mécaniques et une surconsommation d’huile qui peut compromettre le freinage. L’action collective sur les faiblesses de ce moteur lancée en 2012, rassemble près de 2 000 personnes. Elle porte elle aussi sur la lenteur des rappels et des dysfonctionnements dans la prise en charge des clients privés de voitures. Les avocats les incitent ainsi à les rejoindre : “vous faites les frais de la politique industrielle et financière du constructeur ! Plus vous serez nombreux à agir collectivement plus nous pourrons faire pression sur Stellantis pour obtenir des conditions avantageuses pour chacun de vous“.

Un concentré de risques ESG

Réduire les coûts à tout prix dans des filières où les normes de sécurité sont pourtant déterminantes s’apparente-t-il dès lors à jouer les pompiers pyromanes ? Stellantis semble en tout cas prendre le même chemin que Boeing qui a privilégié la rentabilité financière à la sécurité de ses avions et de ses chaînes de production. Comme pour l’avionneur, la réduction des coûts a jusqu’ici été la variable d’ajustement principale du secteur pour maintenir des marges structurellement faibles, avec des conséquences sur l’emploi, les conditions de travail et la sécurité des véhicules produits par une chaîne de fournisseurs ultra complexe répartie dans le monde entier.

Depuis dix ans, les rémunérations des dirigeants et les plans sociaux massifs posent des problèmes sociaux et de gouvernance récurrents qui font du secteur automobile, un concentré de risques ESG. La campagne de communication lancée par Stellantis en mai avec une plateforme permettant de savoir si sa voiture est concernée par les campagnes de rappel ne suffira sans doute pas à limiter la casse. Le prix d’un tel cumul de risques ESG sera forcément plus élevé que prévu par le groupe Stellantis. Facteur aggravant, il appartient à un secteur qui n’en a toujours pas fini avec le Dieselgate, dix ans après.

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