L’Etat est-il bon élève en matière de RSE ? Pas tellement, si l’on en croit les rapports publiés sur le sujet par la Cour des Comptes cette année. Les sages de la rue Cambon ont en effet consacré deux études à la manière dont l’Etat intègre les enjeux sociaux et environnementaux dans deux de ses prérogatives clés : sa politique d’achats et sa politique d’investissement.
Dans ces deux rapports, les experts de la Cour des Comptes notent les insuffisances de la stratégie de l’Etat en matière de prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux, malgré l’évolution du contexte réglementaire qui pousse à l’accélération des efforts publics en matière de durabilité.
Une approche RSE “extrêmement sommaire”
Le rapport consacré à l’Agence des Participations de l’Etat (APE), qui gère la stratégie de l’Etat actionnaire et ses investissements, pointe ainsi “l’approche RSE extrêmement sommaire” de l’administration en matière actionnariale, malgré une politique en apparence volontariste d’intégration de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises). En dépit de la création d’une charte visant à inventorier les enjeux sociaux et environnementaux dans les entreprises dont l’Etat est actionnaire en 2018, la Cour des Comptes note que la stratégie de responsabilité de l’APE s’appuie encore sur un nombre très limités d’indicateurs sociaux et environnementaux (essentiellement les émissions de CO2 générées et le taux de féminisation des instances de gouvernance), indicateurs qui ne sont pour l’heure pas sérieusement audités par l’APE. La Cour des Comptes estime également que l’APE dispose de “moyens trop limités pour mettre en œuvre une politique RSE ambitieuse”, et encourage l’Etat à poursuivre ses efforts en matière de structuration d’une compétence RSE au sein de l’APE, capable d’instaurer le dialogue actionnarial avec les entreprises à participation publique.
En outre, la Cour des Comptes recommande à l’avenir de s’appuyer sur la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui vise à développer et harmoniser les pratiques de reporting sociaux et environnementaux, afin de renforcer la politique RSE de l’APE. Elle invite l’Etat à “mettre en place une cellule et des outils d’analyse des données de reporting des entreprises du portefeuille [de l’APE] au format ESRS [European Sustainability Reporting Standards, ndlr] pour aller vers la publication d’un rapport sur la responsabilité sociétale des entreprises consolidé et audité”.
Achats durables “sans portée opérationnelle”
Quant à la stratégie d’achats durables de l’Etat, elle est structurée autour d’un double objectif : atteindre d’ici 2026 30% des contrats de la commande publique contenant au moins une considération sociale, et 100% contenant au moins une considération environnementale, ce dernier objectif étant inscrit dans la loi Climat et Résilience. Mais la marche semble haute, vu les résultats en demi-teinte affichés aujourd’hui par les contrats d’achats publics : d’après le rapport publié début décembre par la Cour des Comptes, 55% des achats de l’Etat seulement comprennent une considération environnementale et 25% un objectif social.
D’autant que, selon les experts de la Cour, les considérations sociales et environnementales intégrées aux achats publics seraient “des considérations purement formelles, sans réelle portée opérationnelle”, “peu discriminantes dans le choix des fournisseurs”. En résumé : une politique d’achats durables de l’Etat hétérogène, qui mélange obligations réglementaires et intégration volontaire de critères peu performatifs, avec une efficacité difficile à évaluer. Face à ces lacunes, les experts de la Cour appellent à développer des “critères au poids plus discriminant [et] des clauses plus ambitieuses et, d’autre part, de mieux suivre l’exécution de ces clauses.” Une montée en puissance de la politique d’achats publics durables qui devra s’accompagner d’un effort de formation et de développement des compétences chez les agents publics, afin que l’Etat puisse montrer l’exemple en matière de développement de la responsabilité sociale et environnementale.