Publié le 11 mars 2025

Aux Etats-Unis, les entreprises qui hier encore s’engagaient pour le climat ou la diversité sont cette fois bien silencieuses. Même les grandes coalitions d’entreprises engagées semblent aujourd’hui se résigner à la trajectoire imposée par Donald Trump.

Entre 2017 et 2025, le contraste est saisissant. Alors que les mois qui suivirent le premier mandat de Donald Trump en tant que président des Etats-Unis avaient été marqués par l’engagement de nombreux acteurs privés pour défendre l’importance de la transition écologique et sociale, ces dernières semaines ont au contraire été marquées par un grand silence.

Face à l’enchaînement des “executives orders” et des décisions du président américain pour ralentir la transition climatique et les actions en faveur de la justice sociale, les grandes figures de proue des entreprises américaines ont cette fois décidé ne pas s’exprimer. Comme si une chape de plomb s’était abattue sur ceux qui hier encore se présentaient en champions de la transformation durable.

Revirement des entreprises américaines

Symbole de ce revirement : les entreprises de la tech. Alors que leurs dirigeants avaient été parmi les premiers, en 2016 et 2017, à appeler à défendre l’Accord de Paris sur le climat ou l’engagement social et environnemental des Etats-Unis, les Gafam ont cette fois suivi dans leur grande majorité la ligne de Donald Trump. Amazon, Google ou encore Meta ont ainsi annoncé, suite à la charge du président américain contre les politiques de diversité et d’inclusion, la suppression de leurs mesures internes sur le sujet.

Alors qu’en 2017, Mark Zuckerberg, patron de Meta, déclarait que la décision de Donald Trump de sortir de l’Accord de Paris “mettait en péril l’avenir de nos enfants”, il n’a cette fois pas bronché. Quelques heures après la décision du président américain, le fondateur de Facebook s’est contenté, dans un post sur son réseau social, de se dire “optimiste et en fête”, avant d’assister à l’investiture de chef de l’Etat américain. Meta, comme d’autres entreprises de la tech ont également mis fin à leurs politiques de modération des contenus, en particulier ceux visant à empêcher la diffusion de discours de haine ou de désinformation climatique.

Mais le changement de cap est visible dans tous les secteurs. Cas emblématique, celui des acteurs bancaires et financiers. La banque américaine Goldman Sachs annonçait ainsi elle aussi il y a quelques jours la suppression de son programme d’inclusion “pour refléter l’évolution de la législation aux États-Unis”. Même son de cloche chez Blackrock, ou Bank of America. Parallèlement, ce sont aussi les alliances climatiques qui ont été désertées par la plupart des acteurs bancaires et financiers américains ces dernières semaines, comme un symbole de l’effacement des enjeux climatiques dans l’agenda des acteurs du secteur, qui hier encore, se faisaient les champions des politiques ESG (Environnement, social et gouvernance).

Plusieurs entreprises qui avaient annoncé suspendre leurs financements au Parti Républicain après les attaques du Capitole en janvier 2021, dont le constructeur automobile Ford ou le géant des télécoms AT&T, ont également changé leur fusil d’épaule, en versant plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions de dollars pour financer l’investiture de Donald Trump.

Les acteurs privés “engagés” réduits au silence

Même les grandes coalitions d’acteurs privés engagées dans la transformation durable de l’économie sont aujourd’hui murées dans l’attentisme. La coalition America is Still In, qui avait rassemblé en 2017 près de 3 000 entreprises et investisseurs pour maintenir les ambitions climatiques américaines, peine à mobiliser face à la politique climaticide et anti-sociale du président américain. Moins d’une dizaine d’entreprises ont ainsi signé l’appel lancé par le groupe aux lendemains de l’élection de Donald Trump.

Du côté de la coalition We Mean Business, plus de 600 entreprises avaient signé en 2017 un appel clamant la nécessité de la “poursuite de la participation des États-Unis à l’Accord de Paris sur le climat”. Cette année, le sobre communiqué sans emphase publié par l’organisation se contente d’affirmer sa “déception” face au retrait des Etats-Unis, avant de conclure : “Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement américain pour faire avancer la transition [et] la préparation des entreprises aux impacts climatiques.” Quant aux dirigeants, aucun ou presque n’a réagi publiquement.

Peur des représailles ? Opportunisme idéologique ? Il reste en tout cas peu de résistants en 2025. Parmi eux, on trouve toutefois le milliardaire Michael Bloomberg, qui s’est engagé en janvier à prendre à sa charge une partie des contributions nécessaires pour le financement de la lutte internationale contre les changements climatiques, ou encore Ryan Gellert, le patron de Patagonia, qui s’active depuis 2017 pour s’opposer aux projets du président Trump. Récemment, le dirigeant s’exprimait dans Time Magazine contre les projets de privatisation des terrains publics des Etats-Unis. Quelques entreprises, dont le producteur de glaces Ben & Jerry’s, Apple ou encore Costco ont annoncé maintenir leurs engagements et leur activisme social malgré la pression du président américain.

Globalement, le mouvement est atone, et tout le monde économique semble prêt à suivre la ligne Trump. Au point que face au silence du secteur privé, certains consommateurs décident de faire entendre leurs voix en organisant un boycott des entreprises qui soutiennent les politiques anti-sociales de l’administration Trump, comme le relate le Guardian. Tesla, Amazon ou encore Walmart, Ford ou McDonald’s sont ainsi listées parmi les entreprises qui soutiennent la présidence Trump et sont ciblées par les mouvements de la société civile. Plusieurs d’entre elles ont d’ailleurs vu leurs cours boursier chuter depuis le début du mois de février, à l’image de Tesla, dont l’action a perdu près de 55% de sa valeur depuis son plus haut point en décembre dernier, dont 15% sur la seule journée de lundi. La situation est telle que désormais, certains à Wall Street remettent déjà en cause la lune de miel entre Donald Trump et le monde économique.

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